Les plus de cinquante ans se souviennent du Festival de Woodstock (août 1969), qui fut l'événement phare de la contre-culture des années 1960. Les ressacs de cette vague culturelle contestataire, revendicatrice et dénonciatrice ont atteint les rivages de l'Algérie socialiste. Les jeunes artistes des années 1970 qui ont surfé dessus, ont su «copier» le style pour le resservir aux Algériens. A cette époque, les groupes de musique et les troupes de théâtre pullulaient dans le milieu universitaire. Le mouvement estudiantin, engagé dans la vie politique du pays, contribuait à l'éducation sociopolitique et culturelle des masses populaires en utilisant la scène comme une tribune et l'art comme un canal d'expression. «Le discours politique» était diffusé dans un «emballage» artistique, surtout s'il s'inscrivait dans la critique du système en place et l'opposition à l'ordre établi, ce qui lui permettait de contourner la censure. La culture, en ce temps-là, était encadrée, orientée et instrumentalisée par le politique qui avait verrouillé tous les espaces d'expression et banni toute liberté de ton. Mais les verrous, les carcans et le politiquement correct n'ont pas empêché l'ouverture, ou plutôt un entrebâillement qui faisait office de soupape de soulagement, aux cultures d'ailleurs. Aujourd'hui, à l'ère du «tout cyber», tous les verrous ont sauté. C'est le tutti quanti via le Net et les antennes paraboliques. On peut tout voir, écouter ou lire. Films, vidéos, musiques et livres sont disponibles sur les sites Web et les chaînes de télévision étrangères, pour le plus grand plaisir des Algériens qui en consomment à satiété. Les commerciaux ayant flairé la bonne affaire se sont tout de suite inscrits dans l'air du temps. Concerts et films piratés sont proposés au consommateur algérien. On importe même les tenues, habits et autres accessoires vestimentaires que les films étrangers ont fait découvrir aux jeunes, filles et garçons, qui les adoptent par mimétisme. Même notre langage se verra envahi par des mots égyptiens, syriens, anglais… La déculturation est en marche. L'acculturation lui emboîte le pas, parce que rien n'est fait pour «réconcilier» l'Algérien avec sa culture et son identité. Notre histoire est méconnue, notre musique est confinée dans des cercles, notre littérature est exclue de l'école, notre théâtre est renfermé sur lui-même et regarde son nombril, nos modes vestimentaires n'ont pas su se mettre aux goûts du jour, nous n'avons pas de cinéma… Devant une telle platitude désertique, le moindre relief, la moindre touche de gaîté devient une oasis verdoyante vers laquelle tout le monde convergera. Et peut importe la qualité de ses fruits et de son eau. On ne peut évidemment nier les nombreux apports positifs d'une ouverture sur le monde, mais elle ne doit pas se faire au détriment de notre culture, à notre détriment. Aller vers les cultures des autres en tournant le dos à notre culture ne fera que nous enfoncer davantage dans le désert culturel, car bien vite on se rendra compte que ces oasis verdoyantes ne sont en fait que des mirages, pour nous. H. G