Photo : M. Hacène Par Samir Azzoug «Qu'est-ce qu'ils vont nous faire ?» interroge Oussama, anxieux, visage fermé, donnant l'air d'attendre impatiemment un événement important. Le jeune propriétaire d'un kiosque multiservices précise sa pensée : «L'équipe nationale m'obsède. J'attends avec ardeur le visage qu'ils vont présenter au Mondial.» Comme si c'était une question de vie ou de mort, beaucoup de jeunes ont les tripes nouées à une semaine du premier match de l'Algérie dans la phase finale de la Coupe du monde de football qui se déroule en Afrique du Sud. «C'est plus que du sport. C'est une question d'honneur», voilà comment ces jeunes voient la participation de leur équipe nationale. Est-ce étonnant ?La population algérienne est constituée de plus de 70% de jeunes. Aussi loin que vont leurs souvenirs, cette tranche de la société n'a connu que violences, frustrations, et privations. Leur âge est associé à «presque» tous les maux de la société : drogue, agression, harga, incivisme, vulgarité… Par ces stéréotypes refoulés, parfois volontairement entretenus, la jeunesse algérienne donnait l'impression d'être hermétique à l'idéal nationaliste. Certains allaient même jusqu'à l'affubler de sentiments antipatriotiques. Seulement, la jeune génération de trentenaires et moins n'avait tout simplement jamais eu l'occasion de montrer sa fierté d'appartenir à cette terre. Il aura suffi d'un parcours intéressant de leur équipe nationale, devenue un identifiant, pour que cette frange majoritaire de la société démente ses détracteurs en brandissant l'emblème national. Jamais -de mémoire de jeune- une équipe de football n'avait suscité autant d'engouement. Qu'elle gagne ou qu'elle perde, ces fans sont derrière. Les supporters algériens se surpassent, suivent leur team dans tous ses déplacements, allant jusqu'à titiller la curiosité des médias et des populations arabes et occidentales. Des scènes qui frôlent parfois le burlesque, d'autres plutôt navrantes (comme la suspension d'une séance d'entraînement en Suisse à cause des supporters) font le tour du monde. L'ingéniosité des fans des Verts dépasse l'entendement. Internet est envahi par des sites dédiés à leur équipe, une infinité de vidéoclips, de chansons, de truquages sonores et visuels y sont partagés. De l'intérieur ou de l'extérieur du pays, les Algériens font le spectacle. C'est une véritable furie. Une vague en vert, blanc et rouge. Les médias internationaux ont compris. La ferveur des jeunes supporters algériens pour leur équipe nationale dépasse réellement le football en particulier et le sport en général. C'est un mouvement social digne d'être mis sous la loupe des sociologues. Une frange constituée de plus de 70% de la population algérienne se soude autour des symboles d'un pays qui a tenté de leur échapper. Elle revendique son algérianité à part entière en montrant de quoi elle est capable quand on lui fait plaisir. C'est un cri du cœur qui est d'un côté rassurant, puisque les jeunes prouvent leur amour du pays, et dangereux car il attend une réponse à sa hauteur. «Pour l'heure, on est tous derrière l'équipe nationale, pour le reste on verra après le Mondial» affirme Reda, interrogé sur sa situation socioprofessionnelle. Les responsables à tous les niveaux sont maintenant tenus de se mettre au niveau de cette nouvelle vague. Les jeunes ont parlé, maintenant ils sont obnubilés, prêts à voir et écouter ; plus tard, ils demanderont des comptes. Alors, que tout le monde soit prêt à y répondre, en premier lieu Saadane (entraîneur des Verts) et ses poulains.