On a assez épilogué ces derniers mois sur la corruption et la mauvaise gestion des deniers publics. On en a même forcé le trait pour noircir, sans le vouloir peut-être, le tableau. Monsieur tout-le-monde a presque fini par mettre tous les dirigeants dans le même panier. Le syndrome du pillage systématique des richesses nationales a manifestement atteint de larges franges de l'opinion publique algérienne. La suspicion est aujourd'hui perceptible à tous les niveaux. En effet, les scandales et les affaires scabreuses annoncés au quotidien dans les titres de la presse écrite laissent croire que la gangrène a atteint toutes les sphères de la décision. Réputée pour son sérieux, l'image de Sonatrach, à travers le procès mettant en cause ses anciens cadres, a été sérieusement altérée. Ce contentieux, extrêmement sensible, a ébranlé la confiance de la quasi-majorité de nos concitoyens. De lourds antécédents, comme l'affaire Khalifa, celle dite BRC et d'autres trafics du même genre renforcent cette conviction selon laquelle tout est pourri. Mais à bien y réfléchir, on se rend vite compte que cette grossière généralisation ne saurait traduire la réalité des choses. Il est vrai que la dilapidation et le détournement des biens publics, tant dénoncés çà et là, ne sont pas une vue de l'esprit. Il existe en effet des malins et des filous qui exploitent leur position dans la hiérarchie administrative de l'Etat pour faire «des affaires» sur le dos de la communauté nationale, mais cela est loin d'être aussi partagé qu'on le laisse entendre. Cette levée de boucliers contre les corrupteurs et les corrompus constitue justement un facteur de transparence et de crédibilité. En ouvrant tous ces dossiers, la justice algérienne et les services de contrôle des finances et des budgets étatiques en administrent la preuve tangible. Bien au-delà des calculs politiques et des enjeux de pouvoir que l'on peut légitimement soupçonner, la promptitude des médias et des institutions étatiques à confondre les auteurs de toutes ces malversations témoigne de la prédominance de la probité et de la conscience que le cours des événements dissimule souvent. Si de telles prévarications, quelles que soient leur gravité et la puissance de leurs auteurs, sont aujourd'hui débattues sur la place publique, c'est un signe incontestable de l'omniprésence de la droiture et de la transparence que le citoyen lambda réclame de tous ses vœux. Sinon, on n'aurait même pas à en parler comme cela. On doit reconnaître que l'Algérie compte beaucoup de cadres compétents et honnêtes. On les trouve à tous les échelons de la responsabilité. Au niveau des communes, à l'échelon de la wilaya et au sein des institutions centrales, ils sont des dizaines de milliers à s'acquitter correctement de leur tâche pour l'intérêt général et celui du pays de manière globale. Même s'il reste beaucoup de garde-fous et de mécanismes d'alerte à mettre en place pour prévenir à temps ce genre de situations, force est de constater que les mentalités et les comportements sont en train de changer progressivement dans le bon sens. Cette lutte implacable contre le crime économique devrait s'intensifier davantage pour marquer définitivement la rupture avec les vieux réflexes prédateurs et extrêmement nuisibles au développement du pays. Ce combat devrait être l'apanage de tout un chacun pour moraliser la vie publique dans sous ses aspects. Le simple citoyen, même s'il est temporairement blasé par les scandales qui agitent présentement la chronique quotidienne, aimerait bien croire que les remaniements introduits dans la composante du gouvernement et d'autres institutions de l'Etat participeraient à promouvoir et à libérer les compétences et les cadres intègres. Leur accorder davantage de prérogatives, réduire le poids de leur soumission à leurs supérieurs hiérarchiques, les inciter à prendre des initiatives et à proposer des solutions, les protéger contre les abus bureaucratiques et leur offrir les moyens nécessaires pour s'exprimer pleinement sont autant de démarches qu'il convient d'encourager pour assurer une meilleure conduite des grands chantiers lancés dans divers secteurs d'activité. Le succès du plan quinquennal 2010-2014, crédité d'une enveloppe astronomique de 286 milliards de dollars, dépend indéniablement du degré de mobilisation de toutes ces éminences grises qui restent sous-exploitées. Il s'agit de s'appuyer sur ces bonnes volontés –qui sont majoritaires quoi qu'on en dise- afin d'instaurer une nouvelle culture managériale qui mettrait l'intérêt national à l'abri des spéculations et des luttes d'influence. Un challenge qui devrait motiver tous les appareils et tous les démembrements de l'Etat. K. A.