Photo : S. Zoheïr Par Hasna Yacoub Il n'est que 21 heures mais déjà tous les espaces verts de l'aéroport international Houari Boumediene sont occupés. Des militants du Mouvement de la société pour la paix (MSP) et d'El Islah, des représentants d'organisations nationales et des citoyens de tous bords sont là pour accueillir les membres de la délégation algérienne de la flottille d'aide humanitaire pour Ghaza dont l'avion doit atterrir dans les prochaines heures. Banderoles, drapeaux et keffiehs couvrent les têtes et les épaules à perte de vue. Devant l'entrée de l'aéroport, une rangée de casques bleus prêts à parer à tout dérapage. Les jeunes, qui d'habitude chantent la harga, se sont adaptés à l'événement pour scander «Yek Mateshakounach, Baathouna n'moutou fi Ghaza [vous n'avez que faire de nous alors embarquez-nous pour mourir à Ghaza]». Et dans cette ambiance festive, l'organisation était difficile. Seules les familles des membres de la délégation algérienne, les membres des organisations et les cadres des partis avaient le droit d'accéder à l'aéroport où il devait y avoir un second filtre. Les familles proches des membres de la délégation étaient emmenées vers les salles VIP. Le reste, des centaines de personnes, était agglutiné devant les portes fermées de ces salles, au coude à coude avec les reporters de presse. Et commença l'attente. Dès qu'une porte s'ouvrait, le hall de l'aéroport vibrait sous les milliers de pas qui couraient vers l'accès avant que la porte ne leur claque au nez. Minuit quinze minutes, l'avion de provenance de Amman vient d'atterrir. Grande agitation. Les yeux sont rivés sur les portes. A peine l'une d'elles s'ouvre que c'est la débandade. Abderrezak Mokri en compagnie de Bouguerra Soltani, main dans la main, fait son apparition. Les youyous fusent et «Maak ya Ghaza, Djech Chaab Nafdik ya Ghaza» sont scandées à gorges déployées. Bousculade. Des citoyens tombent, d'autres sont carrément violentés par la garde rapprochée des responsables du MSP. A voir la scène, on croirait qu'un virus de folie furieuse a atteint l'assistance. Dans cette cohue totale, le président de la délégation algérienne, Abderrazek Mokri, réussit à s'adresser à la foule : «Des représentants de plus d'une soixantaine de pays arabes, musulmans, européens et américains, exaspérés de la politique agressive et répressive israélienne ont décidé de braver les sionistes pour lever le blocus imposé à Ghaza. Et voilà qu'ils sont agressés par une armée qui s'est préparée, face à des civils non armés, avec un arsenal militaire valable pour attaquer une autre armée. Avec cette attaque, les pratiques barbares et les crimes contre l'humanité de l'Etat sioniste ont été dévoilés au grand jour. L'opinion internationale sait aujourd'hui que cet Etat n'est pas un danger pour la Palestine ou pour le monde arabe seulement mais que c'est un péril pour le monde entier, pour sa stabilité et sa sécurité. Aujourd'hui, Israël est dans l'impasse. Aujourd'hui, la Flottille de la liberté a vaincu Israël.» «Allah Akbar, Allah Akbar», scandent les personnes présentes et l'ex-député Mokri d'ajouter : «La Flottille de la liberté a démontré l'impuissance et l'aigreur de cet Etat. Le pas que nous venons de réaliser n'est pas seulement un pas vers la levée du blocus de Ghaza mais c'est un pas, grâce à ses énormes conséquences, vers la libération de toute la Palestine.» Chauffés à fond, les personnes présentes crient leur colère alors que le président de la délégation algérienne poursuit son discours : «Aujourd'hui, des civils non armés ont réussi à vaincre l'Etat sioniste, l'Etat terroriste qui a toujours bénéficié de l'impunité.» Il commencera ensuite à énumérer les violations d'Israël qui, entre autres, a attaqué comme des pirates la flottille dans les eaux internationales et a kidnappé près de 700 personnes. Mokri affirme que les humanitaires ont bravé les coups de feu des militaires israéliens à mains nues. Cette affirmation sera donnée également par Mme Soltani, l'épouse du président du MSP qui a fait partie de la délégation algérienne. «C'est des menteurs», n'a cessé de répéter Mme Soltani en réponse à l'accusation israélienne faisant état de leur agression par les membres des délégations humanitaires. Elle fera état ensuite des humiliations et des traitements inhumains subis par les humanitaires. «Un bébé de moins d'un an a été pris en otage par les militaires israéliens qui ont exigé du commandant de bord de se soumettre aux ordres s'il voulait préserver la vie du bébé.» Mme Soltani a ensuite décrit longuement l'attaque, la séquestration et le long interrogatoire subi. Elle affirmera que le nombre des victimes est de 16, en plus de dizaines de blessés. «Mais au-delà de tout ce qui nous est arrivé, je ne regrette rien. Je suis partie sachant que je risquais ma vie et je suis toujours prête à mourir pour la cause palestinienne.» Fiers et décidés à offrir leur vie pour la Palestine, pour sauver les enfants de Ghaza, les trente et un membres de la délégation algérienne l'ont tous affirmé. M. Sebti Djamel, membre de l'organisation El Qods, a affirmé que les membres de la délégation algérienne ont refusé de répondre aux questions des Israéliens lors de l'interrogatoire. «Nous n'avons répondu qu'à une seule question, celle relative à notre identité.» Il a déclaré également qu'ils ont, dans leur totalité, refuser de signer l'engagement exigé par Israël pour permettre leur expulsion. «Nous avons refusé de signer et avons accepté de retourner en prison», avant d'ajouter : «Nous avions la responsabilité de protéger la moitié des dons destinés à Ghaza et c'est ce que nous avons fait jusqu'à la dernière minute. D'ailleurs, nous sommes la dernière délégation à s'être rendue.» M. Hamlaoui Akouchi, un ancien député d'El Islah s'est dit «fier de la délégation algérienne qui a honoré son pays. Nous avons pu obtenir des résultats positifs et réalisé un pas en avant dans la cause palestinienne et c'est une grande fierté pour nous». De même, M. Abou Ahmed Abdelkader Attani, professeur à la retraite, a déclaré : «Nous avons atteint les objectifs tracés pour cette expédition et nous avons même décidé avec l'ensemble des délégations des autres pays de prendre de nouveau le large vers Ghaza avec une flottille plus importante.» A la sortie de l'aéroport, les membres de la délégation algérienne ont été happés par une foule nombreuse qui scandait la gloire de Ghaza, de ses enfants et la libération de la Palestine. C'est dans cet air de joie et de fierté que M. Soltani a improvisé un discours qui a enflammé encore plus une jeunesse en ébullition. C'est sur des «Djech Chaab Maak ya Ghaza» que la foule à pied a quitté l'aéroport. La Flottille de la liberté a été attaquée, ses membres séquestrés. Les dons ne sont peut-être pas arrivés à Ghaza mais les cris des enfants palestiniens ont été entendus par le monde entier. H. Y. Brèves... Brèves... Brèves... Brèves... Brèves... Brèves... Trente et un membres de la délégation algérienne de la flottille d'aide humanitaire pour Ghaza sont arrivés jeudi dernier vers 00h15. Le 32ème ressortissant algérien, M. Mohamed Douibi, député, blessé à l'œil, a dû rester à Amman en observation. Plusieurs membres de la délégation algérienne de la flottille d'aide humanitaire pour Ghaza, qui a été la dernière à se rendre, ont affirmé avoir subi des interrogatoires de plus de dix heures. Coups de pied, gifles, arme pointée sur la tempe et insultes ont accompagné l'interrogatoire. Séquestrés à la prison de Bir Sabaa, les membres de la délégation n'ont rien eu à manger ni à boire et les sanitaires leur ont été interdits. Bagages, téléphones et caméscopes confisqués n'ont pas été restitués au moment de l'expulsion. «C'est sur instruction et initiative du président de la République que nous sommes partis vers Amman pour rapatrier les 31 ressortissants algériens victimes d'une prise d'otages par les autorités israéliennes», a déclaré à l'APS le secrétaire d'Etat auprès du ministre des Affaires étrangères, chargé de la communauté nationale à l'étranger, M. Halim Benatallah. Le secrétaire d'Etat auprès du ministre des Affaires étrangères, chargé de la communauté nationale à l'étranger, M. Halim Benatallah, le président du Mouvement de la société pour la paix (MSP), M. Bouguerra Soltani, quatre médecins, dont deux psychologues, des membres des groupes parlementaires des partis de l'Alliance présidentielle (FLN, RND et MSP) et du groupe parlementaire des indépendants ainsi que des journalistes font partie de la délégation qui s'est rendue à Amman. M. Benatallah et tous les membres de la délégation algérienne rencontrés à leur arrivée ont exprimé leurs remerciements et leur gratitude aux responsables jordaniens qui les ont accueillis après leur expulsion d'Israël.