Photo : Riad Par Sihem Ammour Le grand prix de la meilleure représentation théâtrale décerné au Théâtre régional de Sidi Bel Abbès a suscité une vive polémique au sein du public, qui avait pourtant applaudi la consécration du Théâtre régional de Skikda et du Théâtre national algérien.L'édition 2010 du Festival national du théâtre professionnel (FNTP), placée sous le slogan «Algérie, l'éternelle», a baissé le rideau lundi dernier, au Théâtre national algérien Mahieddine-Bachtarzi, lors d'une cérémonie officielle en présence de la ministre de la Culture Khalida Toumi qui a «salué l'émergence d'une nouvelle génération d'hommes et de femmes de théâtre aux grands talents, qui porte en elle l'espoir d'une meilleure assise du la culture théâtrale en Algérie».La cérémonie a débuté avec de la musique présentée par l'Orchestre national symphonique algérien dirigé par Rachid Saouli. Reprenant plusieurs airs du patrimoine algérien, ce prélude musical a été l'occasion de rendre un hommage aux deux maestros, récemment décédés à quelques jours d'intervalle, Haroun Rachid et Cherif Kortbi.Puis, le commissaire du Festival, M'hamed Benguettaf, est monté sur scène pour un discours où il a exprimé sa fierté à l'égard de la nouvelle génération montante de comédiens découverte lors de cette édition. Il a souligné à cet effet que «durant quatorze jours, ces jeunes ont marqué leur présence par leur capacité et leur volonté de travail. Cela prouve encore une fois que notre jeunesse est sur le bon chemin». Il a cependant ajouté : «Je vous exhorte à ne pas tomber dans le panneau de l'autosuffisance et des querelles stériles. Votre seul souci doit être le théâtre. Alors ne donnez surtout pas d'importance à votre environnement empli malheureusement de commérages. Vous devez considérez cette édition comme la pierre fondatrice de la relève du théâtre national que vous êtes en train de construire grâce à vos talentueuses potentialités.»Puis ce fut au tour du président du jury, Noureddine Amroud, de monter sur scène pour souligner le bon déroulement du festival et ajouter que cette édition a été marquée par «la consécration de la culture de proximité. Dans nos recommandations, nous estimons qu'il est nécessaire de poursuivre cette mission avec notamment la création de troupes théâtrales dans l'ensemble des wilayas du pays ainsi qu'une connectivité entre les différentes institutions culturelles et les universités». Il a dans ce sens salué le rôle des ateliers de formation théâtrale qui se sont déroulés tout au long de l'année à travers les instituts, appelant les compagnies de théâtre à utiliser les textes écrits par des spécialistes en 4ème art pour contribuer à la sauvegarde de l'œuvre dramatique. Le président du jury a soulevé dans ce cadre la faiblesse de l'écriture dramaturgique et de la mise en scène qui s'est fait sentir lors de cette édition. Il a lancé un appel aux responsables de la culture pour une réelle stratégie de formation dans ce domaine tant au niveau des instituts qu'au niveau des ateliers de formation destinés aux troupes d'amateurs. Il a aussi appelé à la création, dans les prochaines éditions du FNTP, d'un prix de la meilleure chorégraphie et à donner à chaque édition le nom d'une personnalité de théâtre, réputée pour son dévouement. Après les discours, ce fut la découverte des lauréats de la compétition qui s'est déroulée entre 14 troupes théâtrales. Ainsi, la première distinction, le prix spécial du festival, a été décernée à titre posthume au regretté Toufik Mimiche, comédien au Théâtre régional d'Annaba, disparu tragiquement le 20 mai dernier sur scène. Puis, au fur et à mesure, les prix sont décernés aux différentes catégories, avec des ex æquo pour les différentes distinctions des comédiens. Les grands gagnants de cette édition sont sans conteste le Théâtre régional de Skikda (TRS) et le Théâtre national algérien. Ce dernier qui a opté pour une troupe entièrement formée de jeunes a remporté le prix du jury pour sa pièce intitulée Promenade dans la colère et celui du meilleur espoir masculin pour Nabil Asseli.Quant au TRS, il a raflé le prix de la meilleure mise en scène pour Sonia, celui du meilleur rôle féminin pour Nadia Laadimi pour la pièce Face aux murs de la ville. Fort émue, Sonia a confié en marge de la cérémonie : «Je suis très heureuse de cette distinction honorant un théâtre qui vient à peine de naître et aussi toute une équipe qui a fait preuve de sérieux et d'abnégation pour la réussite de l'œuvre. Ce prix, je l'ai eu grâce au staff de toute la pièce, comédiens, scénographe, chorégraphe musicien et techniciens qui ont réellement cru à leurs métiers.» Toutefois, à l'annonce du prix de la meilleure représentation théâtrale (l'œuvre la plus complète) décerné au Théâtre régional de Sidi Bel Abbès pour sa représentation le Charmeur des étoiles, au milieu des applaudissements, de nombreux journalistes, spécialistes du théâtre et une partie du public quittent la salle pour marquer leur désapprobation quant au choix du jury.Pour rappel, suite à la représentation, plusieurs articles de la presse algérienne ont dénoncé l'instrumentalisation de l'œuvre de Kateb pour des raisons de calcul. Certes, même si la représentation était intéressante d'un point de vue esthétique, les critiques avaient dénoncé le flottement de la mise en scène et surtout la trahison de l'œuvre de Kateb Yacine avec un texte vidé de son essence et le choix d'une langue élitiste, deux choses que Kateb haïssait de son vivant.Suite à la remise du grand prix, il a fallu moins de cinq minutes pour que le théâtre se vide et qu'une vive polémique éclate sur l'esplanade Azzedine Medjoubi. Les membres du jury ne cessaient de se justifier en affirmant qu'il n'y avait aucune pression et qu'ils avaient jugé en leur âme et conscience. Le président du jury affirmera que «les membres de jury étaient très à l'aise. Il n'y avait ni pression, ni intox. Nous étions seulement avec nos âmes et consciences. Et j'espère que nous avons été à la hauteur de la confiance placée en nous».Quant au Malien Adama Traroré, membre du jury, il a expliqué : «Nous avons eu une belle ambiance pendant ce festival, ce qui prouve que le théâtre algérien a un public qui a une qui permet d'avoir un jugement par rapport à un spectacle. Ce qui est sûr, c'est qu'il y a beaucoup de paramètres à prendre en ligne dans une appréciation comme celle d'un jury. Ce n'est pas une science exacte, il y a une part de subjectivité, de l'émotion et tout ce qui concourt à faire en sorte que le jugement du jury peut ne pas correspondre aux attentes du public.»En plus de l'incompréhension générale des critères qui ont permis de décerner le grand prix, l'assistance a soulevé le fait que certaines troupes ont complètement été écartées du palmarès malgré leurs talents avérés, à l'instar de la troupe d'Oum El Bouaghi qui avait subjugué les amateurs du 4ème art.