Après un demi-siècle de dictature et de descente aux enfers, les Guinéens ont eu , pour la première fois depuis 52 ans, la possibilité de donner leur avis sur leur avenir. Hier, le pays a connu la première véritable élection présidentielle de son histoire agitée. Les Guinéens espèrent tourner, enfin, la page d'une période très troublée depuis la mort de Lansana Conte, fin 2008. Pour en arriver là, la Guinée a souffert. Du général Sékou Touré, le père de l'indépendance, qui s'est vite transformé en dictateur, vingt-six ans durant, à son successeur, Lansana Conté, militaire lui aussi, qui régnera vingt-quatre ans, le pays n'a connu que l'autoritarisme comme mode de gouvernance. A la mort de Conté, fin 2008, le pays entre dans une ère de troubles et d'instabilité. Le nouveau despote, le capitaine Moussa Dadis Camara, un officier inconnu, se révèle vite incontrôlable et violent. En septembre dernier, une manifestation de l'opposition dans un stade de Conakry, la capitale, est réprimée dans le sang par les militaires. On dénombre au moins 150 morts, selon l'ONU qui qualifie la répression de crime contre l'humanité. Trois mois plus tard, «Dadis» est gravement blessé lors d'une tentative d'assassinat sur sa personne. La Présidence échoie alors à un quatrième galonné : Sékouba Konaté. Le général s'engage à passer le pouvoir aux civils dans un pays potentiellement riche, mais rongé par la corruption et ruiné. Le nombre de postulants à la magistrature suprême n'est pas moins que de 24. Tous briguent la succession, mais leurs chances sont très inégales. Cependant, Alpha Condé passe pour l'un des challengers les plus sérieux. A 73 ans, l'opposant de toujours, qui n'est plus jeune depuis longtemps, fort de sa condamnation à mort sous Sékou Touré et de ses années de prison sous Lansana Conté, veut incarner aujourd'hui la rupture avec un passé peu reluisant. Une arme forte contre ses quatre principaux rivaux, tous anciens Premiers ministres. Leurs parcours, entre opposition douce et collaboration heurtée avec Lansana Conté, les rapprochent. Les économistes Cellou Dalein Diallo et Sidya Touré s'opposent aux hauts fonctionnaires internationaux Lansana Kouyaté et François Fall. Toutefois, tous s'accordent à dire qu'ils sont confiants dans leur victoire à l'issue d'une campagne plus calme qu'attendu. Dans ce pays très divisé, les candidats, plus que les idées, incarnent en effet, parfois malgré eux, les intérêts d'une ethnie. Alpha Condé puise ses forces dans son clan, les Malinkés. L'autre favori, Cellou Dalein Diallo, est avant tout un Peul. Ce groupe, qui forme un peu moins de 40% de la population, très présent dans le monde des affaires et dans l'administration, revendique le pouvoir après cinq décennies loin du pouvoir. Pour tout cela, les craintes d'affrontements ethniques sont réelles. Une partie de l'armée, qui n'a pas totalement fait le deuil de ses ambitions et certains barons des régimes déchus, pourraient être tentés de souffler sur les braises de la violence pour faire capoter un événement historique : la première élection libre de la Guinée G. H.