Cette élection, la première libre et plurielle depuis 1958, a lieu neuf mois après le massacre, par les forces de sécurité, d'au moins 156 opposants à la dictature militaire. L'élection présidentielle «historique» que s'apprête à vivre, aujourd'hui, la Guinée ne sera sûrement pas parfaite, mais chacun s'attend à une participation massive des 4 millions d'électeurs, pour mettre un terme à un demi-siècle de dictatures, civiles puis militaires. A Conakry, des affiches présentent deux visages d'enfants, avec le slogan: «Votez pour eux, dans le calme et la sérénité». Le pays a découvert les débats électoraux passionnés et les manifestations de rue festives, en 40 jours d'une campagne relativement paisible, même si des violences politiques ont fait au moins un mort jeudi, à Coyah (50 km de Conakry). Après les 26 ans de règne (1958-1984) du «père de l'indépendance», Ahmed Sékou Touré, «président à vie» qui procéda à des purges sanglantes, puis les 24 années (1984-2008) de régime militaire du général Lansana Conté, le pays a de nouveau déchanté, en 2009: les jeunes officiers dirigés par le capitaine Moussa Dadis Camara, qui promettaient le bonheur du «bas peuple» et la lutte contre la «corruption généralisée», ont conduit le pays à la catastrophe. Ce scrutin a lieu neuf mois après le massacre, par les forces de sécurité, d'au moins 156 opposants à la dictature militaire. Cette fois, pourtant, les Guinéens veulent croire à la paix. Et le nouveau chef d'état-major de l'armée, le colonel Nouhou Thiam, dit lui-même que «la Guinée est face à son histoire». «Maintenant, c'est la démocratie: chacun est libre de choisir librement son candidat. Pas de règlement de comptes, pas de menace. Le président qui sera démocratiquement élu, l'armée se mettra à sa disposition», promet-il. Grande nouveauté à Conakry: les militaires vont d'ailleurs voter «en civil», et en dehors des casernes. Vingt-quatre civils se présentent pour cette première élection libre depuis l'indépendance de l'ex-colonie française en 1958. L'ancien Premier ministre Cellou Dalein Diallo, a fait forte impression à Conakry, en se faisant acclamer par une énorme foule de militants, jeudi. Mais l'ex-Premier ministre Sidya Touré compte également au nombre des favoris, de même que l'opposant de très longue date Alpha Condé. La commission électorale nationale indépendante (Céni), dont c'est le baptême du feu, a assuré vendredi que «tout était prêt» et que 3 965 observateurs, nationaux et internationaux, seraient déployés. Le vice président du parti du candidat Cellou Dalein Diallo, Oury Bah, a cependant relevé «beaucoup de difficultés» dans l'organisation du scrutin, liées notamment «au fait que des bureaux de vote sont éloignés des lieux de concentration des populations». Selon la Céni, près de 500.000 Guinéens n'ont pu obtenir de cartes d'électeur numérisées et voteront avec un récépissé. «Les conditions ne sont pas toutes réunies, mais la crise en Guinée est telle, le pays tellement paralysé, que tout le monde veut sortir de cette situation», explique Maurice Zogbelemou Togba, du parti de Sidya Touré. De sources diplomatiques occidentales, on dit qu'«une forte participation est attendue» pour cette «élection très importante sur le plan symbolique». «Ce ne sera sûrement pas parfait, des incidents sont prévisibles, mais le défi n'est pas tant le scrutin que l'après», selon les mêmes sources qui soulignent que «le danger peut venir de mouvement de soldats pas forcément contrôlables». Le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, a lancé vendredi un appel à tous les Guinéens pour «la tenue d'élections pacifiques et crédibles». Les résultats provisoires de ce premier tour ne devraient pas être connus avant mercredi. La proclamation des résultats définitifs est prévue dans les huit jours.