Acte n Plus de quatre millions de Guinéens sont appelés à participer, ce dimanche, à la première élection présidentielle libre qui leur inspire désormais paix et justice sociale. La présidence du «père de l'indépendance», Ahmed Sékou Touré, s'était rapidement transformée en dictature, faisant plusieurs dizaines de milliers de morts en 26 ans (1958-1984). Le pays a ensuite connu les 24 années de régime militaire de l'autocrate Lansana Conté (1984-2008), puis d'amères désillusions avec la junte dirigée par le capitaine Moussa Dadis Camara, jusqu'au massacre d'au moins 156 opposants, le 28 septembre 2009, dans un stade de Conakry. Cette fois, les Guinéens ont un large choix : 24 candidats civils, dont une femme, se présentent. Parmi eux, trois sortent du lot : les anciens Premiers ministres Cellou Dalein Diallo (2004-2006) et Sidya Touré (1996-1999) et un opposant historique aux trois régimes depuis l'indépendance, Alpha Condé. A l'étranger, plus de 122 000 Guinéens voteront aussi dans 17 pays. Selon la commission nationale électorale indépendante (Céni), qui organise pour la première fois un scrutin, 3 965 observateurs, nationaux et internationaux, seront déployés à travers la Guinée. La campagne a révélé l'appétit de justice sociale des électeurs, dans ce pays pauvre d'Afrique de l'Ouest, pourtant doté d'énormes richesses minières que se disputent les multinationales. «Tous, nous sommes devant le jugement de l'histoire», a déclaré solennellement hier soir l'ex-général putschiste Sékouba Konaté, qui préside depuis six mois la transition en Guinée. Devant les 24 candidats, le général a averti : «Aucun de nous ne devrait commettre un acte ou prononcer un propos qui allongerait la liste déjà longue de nos martyrs. C'est demain que la Guinée avancera pour toujours ou reculera.» «On ne peut plus continuer à vivre comme dans une jungle ou dans un Etat sans âme», a-t-il ajouté, plusieurs fois applaudi par l'assistance. Konaté avait maintes fois promis qu'aucun militaire ni dirigeant de la transition ne serait candidat à la présidentielle et il a tenu parole. A l'issue du scrutin, il devra respecter son engagement de remettre le pouvoir aux civils. Par ailleurs, face à d'éventuels affrontements, la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cedeao) a réclamé hier, samedi, à Conakry, le déploiement de la Force spéciale pour la sécurisation du processus électoral en Guinée (Fossepel) dans les zones à risque lors de cette l'élection. S'adressant aux candidats à la présidentielle guinéenne, le président de la commission de la Cedeao, Victor Gbeho, leur a demandé «de s'abstenir de tout acte de nature à inciter à la violence et à remettre en cause la transition». «La réussite de cette élection dépendra aussi des candidats», a-t-il déclaré, les appelant à respecter le verdict des urnes.