Au total, 4,2 millions de Guinéens ont été appelés à choisir leur président parmi 23 hommes et une femme, uniquement des civils. Les Guinéens participaient hier à la première élection libre de leur histoire depuis l'indépendance de 1958, dans l'exaltation et l'impatience de voir enfin les militaires quitter le pouvoir, neuf mois après le massacre de 156 opposants par l'armée à Conakry. Les bureaux de vote ont ouvert peu après 7h00 (locales et GMT) et devaient fermer leurs portes à 18h00, pour ce premier tour d'un scrutin historique, après un demi-siècle de dictatures, civiles puis militaires. Au total, 4,2 millions de Guinéens ont été appelés à choisir leur président parmi 23 hommes et une femme, uniquement des civils. Les jeux sont ouverts mais trois candidats sont donnés favoris: les anciens Premiers ministres Cellou Dalein Diallo (2004-2006) et Sidya Touré (1996-1999), ainsi qu'un opposant à tous les régimes depuis l'indépendance, Alpha Condé. Dans les quartiers populaires de Conakry, une foule enthousiaste mais disciplinée a envahi très tôt les bureaux de vote. «Je suis l'homme le plus heureux! C'est le deuxième plus beau jour de ma vie après mon mariage!», assurait Abdoul Barry, 55 ans, imaginant déjà qu'un président civil pourrait apporter au pays «la liberté, la démocratie, le développement et un mieux être, quoi!». L'atmosphère dans la capitale était étonnamment tranquille, la circulation «urbaine et interurbaine» ayant été interdite, jusqu'à minuit, tandis que les frontières du pays étaient fermées pour la journée. La sensation de vivre un moment clef était particulièrement vive à Conakry, encore traumatisée par la tuerie du 28 septembre 2009. Des militaires avaient alors tué dans la journée au moins 156 opposants et violé des femmes, au cours d'un rassemblement politique pacifique. «Si le vote se passe bien, les militaires vont enfin s'occuper de leurs oignons!», jugeait Fatou Camara, 23 ans. «Je remercie en passant celui qui nous a donné l'occasion de voter, vous voyez de qui je parle», disait-elle, prononçant à voix basse le nom du «général Konaté, béni de Dieu». Cet ancien officier putschiste, devenu président de la «transition» il y a six mois, avait promis qu'aucun militaire ni dirigeant sortant ne se présenterait à la présidentielle et a tenu parole. «Tous, nous sommes devant le jugement de l'histoire», a déclaré samedi Konaté, après 25 ans de régimes militaires. En 1958, l'ancienne colonie française avait d'abord été très fière de son premier chef de l'Etat, Ahmed Sékou Touré, qui refusa la «communauté» franco-africaine, proposée par le général de Gaulle et proclama l'indépendance. Mais le leader révolutionnaire devint «président à vie» (1958-1984), procéda à des purges sanglantes et fit régner la terreur parmi ses opposants. Puis un militaire de carrière, le général Lansana Conté, s'imposa pour 24 années (1984-2008), s'appuyant sur l'armée pour réprimer toute contestation. Le pays a ensuite vécu d'amères désillusions avec les jeunes officiers putschistes qui prirent le pouvoir à la mort de Conté, fin 2008. Leur chef, le capitaine Moussa Dadis Camara, a été victime fin 2009 d'une tentative d'assassinat et s'est trouvé écarté du pouvoir. Le vote a lieu dans un pays en plein marasme. En dépit des immenses ressources naturelles (bauxite, fer, or...), la moitié de sa population vit sous le seuil de pauvreté. Analphabètes pour la plupart, les électeurs ont parfois peiné à s'orienter hier, demandant anxieusement «où est mon bureau de vote?». A l'extérieur, plus de 122.000 Guinéens devaient voter dans 17 pays. En Sierra Leone, l'élection fait ainsi vibrer les 12.000 Guinéens employés comme chauffeurs de taxis, commerçants ou encore ouvriers des mines de diamant.