Synthèse de Ghada Hamrouche Les Kirghizes ont adopté donc dimanche à une écrasante majorité la révision constitutionnelle instaurant la première démocratie parlementaire d'Asie centrale sur fond de violences ethniques. La commission centrale des élections a annoncé hier que le «oui» l'avait emporté à 90,8% sur le «non». Ce résultat est basé sur les données recueillies auprès de 2 190 des 2 319 bureaux de vote où les électeurs kirghiz étaient invités dimanche dernier à se prononcer par référendum. Dès dimanche soir, quelques heures après la fermeture des bureaux de vote, la présidente par intérim du pays, Roza Otounbaïeva, déclarait que la République d'Asie centrale était en marche vers une «véritable démocratie du peuple» tranchant sur les précédents systèmes présidentiels. La réforme constitutionnelle renforce la fonction de Premier ministre, qui récupérera une partie des prérogatives présidentielles.Cette évolution des institutions, voulue par les nouvelles autorités qui ont pris le pouvoir après l'éviction du président Kourmanbek Bakiev, chassé pour népotisme par la rue en avril, est jugée essentielle par la présidente par intérim du Kirghizistan Roza, Otounbaïeva pour rétablir la stabilité après une vague de violences communautaires. La consultation s'est tenue quelques semaines à peine après des violences interethniques dans le Sud ayant fait des centaines de morts et déplacé plus de 400 000 personnes. Elle a été qualifiée de «victoire» par Rosa Otounbaïeva. Cette dernière, qui fut ambassadrice de son pays en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis, est la première femme au pouvoir dans une République d'Asie centrale. Elle doit rester dans ses fonctions de présidente par intérim jusqu'à la fin 2011. Aux termes de la nouvelle Constitution, son successeur sera élu pour un mandat unique de six ans.Les Etats-Unis et la Russie, qui disposent tous deux d'une base militaire dans le pays, ont fait savoir qu'ils soutiendraient un gouvernement fort pour prévenir la propagation de troubles en Asie centrale, région frontalière de l'Afghanistan. «Nous espérons qu'il s'agit d'un véritable pas vers une gouvernance stable et démocratique», a dit un porte-parole du département américain d'Etat à Washington. Mais le président russe, Dmitri Medvedev, a livré, lui, une analyse très tranchée, estimant que l'évolution institutionnelle menaçait jusqu'à l'existence des structures étatiques kirghizes. «En prenant en compte le fait que même les autorités sont aujourd'hui incapables d'imposer l'ordre, que leur légitimité est faible [...], je ne comprends vraiment pas comment une république parlementaire pourrait fonctionner au Kirghizistan», a-t-il dit lors d'une conférence de presse à l'issue du sommet du G20 à Toronto au Canada. Pour Medvedev, plusieurs scénarios sont possibles au Kirghizistan, dont le pire est celui d'un effondrement de l'Etat. Dès l'issue du scrutin, Otounbaïeva a indiqué que son gouvernement était favorable à l'envoi de policiers de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) dans le sud du pays, afin de maintenir la stabilité dans cette région où ont éclaté les violences. Invoquant des questions de sécurité, l'OSCE a refusé d'envoyer des observateurs à Och. Mais un responsable de l'Assemblée parlementaire de l'OSCE a soutenu la présence d'une force de police internationale. Les violences ont provoqué une profonde méfiance parmi les populations d'origine ouzbèke sur la capacité des nouvelles autorités à assurer la sécurité et la stabilité du pays.