Photo : Riad Par Youcef Salami Steven Perkins a été jugé un an après avoir acheté, sous l'emprise de l'alcool, près de trente pour cent de la production de l'OPEP en une nuit. Sentence, une amende de 72 000 livres (90 000 euros). Le mis en cause s'est livré à des transactions frauduleuses qui ont coûté plus de six millions de livres à son entreprise. Ivre et dans un état second, ce courtier londonien travaillant pour PVM OIL Futures a acheté en l'espace de deux heures, plus de sept millions de barils de pétrole, ce qui correspond à près de trente pour cent de la production de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP). C'est un fait inédit rapporté et copieusement commenté par la presse internationale. C'est après un week-end arrosé à faire du golf que le trader a réalisé dans la nuit du 29 au 30 juin 2009 une spéculation massive de cinq cents millions de dollars (409 millions d'euros) à l'aide de son ordinateur portable, confortablement installé sur son canapé. Mais au lendemain, ce sont les marchés boursiers qui ont eu la gueule de bois, en s'apercevant que le baril de brent avait brusquement atteint les 73 dollars, soit une augmentation de plus de deux dollars. L'employeur de Steven Perkins a rapidement été obligé de revendre à perte les placements, cession qui a fait ensuite chuter le prix de l'or noir à 69 dollars. Quant à l'opérateur alcoolique, il a été licencié sur- le-champ puis condamné par l'autorité des marchés financiers britanniques à cinq ans d'interdiction d'exercer et à une lourde amende. «L'alcoolisme de Perkins n'excuse pas» ses agissements, a déclaré le directeur des marchés de l'Autorité des Services financiers (FSA), Alexander Justham, cité par des médias. «Perkins a été suspendu car il n'est pas une personne suffisamment digne et respectable pour participer à des activités règlementées et que son attitude créait un risque pour le bon fonctionnement du marché». Cette affaire a mis en cause le rôle de la spéculation dans un marché plus qu'instable, ainsi que les dérapages des courtiers qui, face à la pression monumentale qu'ils subissent à force de jouer avec des barils virtuels, en viennent à consommer à l'excès alcool et cocaïne. L‘affaire Steven Perkins s'est produite alors que la crise financière se signalait dans de nombreux pays ; Steven Perkins en rajoutait. En réalité, le trader rusé en dit beaucoup sur l'ampleur de la spéculation sur les marchés pétroliers, une spéculation outrancière dénoncée par les pays producteurs de pétrole qui estiment qu'elle affecte l'évolution des cours du brut. Aujourd'hui que la crise commence à s'estomper, les prix de l'or noir semblent se reprendre, même s'ils restent trop erratiques. La semaine qui vient de s'écouler, ils ont fini en baisse pour la cinquième séance d'affilée, les investisseurs craignant une rechute en récession et donc une consommation moindre d'énergie après les chiffres de l'emploi aux Etats-Unis qui ont révélé une «destruction» de postes. Quelques indices ? Sur le Nymex, le brut livrable en août a fini en repli de 1,1% à 72,14 dollars le baril. Il s'agit de son niveau de clôture le plus bas depuis trois semaines. Le WTI avait touché 70,75 dollars le 8 juin en séance et fini à 71,99 dollars. Sur la semaine, le baril de WTI a perdu 6,72 dollars ou 8,52%. Il s'agit de sa plus forte baisse hebdomadaire depuis la première semaine de mai quand les prix avaient reculé de plus de 11 dollars ou près de 13%. La situation actuelle des marchés, l'OPEP ne s'en inquiète pas. Mieux, son secrétaire général, le Libyen, Abdallah Salem el-Badri prônait lundi dernier devant des journalistes à Bruxelles l'établissement d'un «prix raisonnable» du brut sans en préciser le chiffre, une information rapportée par l'agence russe RIA NOVOSTI. «Je ne suis pas en mesure de vous en citer le chiffre, car cela dépend de bien des éléments. Nous ignorons notamment si les dépenses à la production augmenteront beaucoup. Aussi le niveau actuel des prix est-il plutôt confortable pour nous. Mais si les dépenses à la production augmentent, ce prix ne nous conviendra plus, car il nous faudra investir, ce qui implique de très grandes dépenses», a-t-il déclaré à l'issue d'un entretien avec le commissaire européen à l'Energie Günther Oettinger, à Bruxelles. Le secrétaire général de l'OPEP a toutefois reconnu que, dans l'actuel contexte financier mondial, on observait «certaines livraisons excessives» de pétrole. «Quoi qu'il en soit, la demande augmente, bien que lentement, et je pense que le temps n'est pas du tout loin où il n'y aura plus de livraisons excessives», a-t-il espéré. El Badri semble faire allusion à certains membres de l'organisation pétrolière qui surproduisent, ne respectant plus les quotas Opep établis officiellement à 24,84 millions de barils par jour. C'est une question qui préoccupe l'Opep. Celle-ci l'a évoquée, à la faveur de la réunion tenue à la mi-mars dernier à Vienne, mais rien n'a été en fait tranché. L'organisation viennoise va certainement en discuter, à l'occasion de la prochaine conférence ministérielle prévue à l'automne. Y. S. Conflit gazier : Russes et Bélarusses dégagent un terrain d'entente Le conflit gazier entre la Russie et le Belarus qui a perturbé temporairement les approvisionnements de l'Union européenne est terminé, les deux parties ayant mis la main à la poche, mais de nouvelles crises sont déjà en germe, estime vendredi la presse russe. Est-ce réellement la fin d'un conflit ? «La Russie et le Belarus ont mis fin à la guerre, mais n'ont pas résolu le conflit», résume le quotidien Kommersant. Jeudi dernier, le géant gazier Gazprom, qui avait réduit nettement ses livraisons au Belarus, a accepté de rouvrir pleinement les vannes après que ce dernier lui ent payé 187 millions de dollars pour le gaz fourni depuis début 2010. Il a de son côté versé 228 millions de dollars à Minsk au titre de sa dette concernant le transit de gaz via le territoire bélarusse, que le gouvernement de cette ex-république soviétique avait menacé de perturber, s'il ne recevait pas d'argent à temps. Toutefois, Minsk réclamait à Moscou 260 millions de dollars, et non 228 millions de dollars - comme prévu dans le contrat qui les lie, selon Gazprom - estimant que le prix du transit de gaz a augmenté depuis novembre. «Des divergences demeurent entre les parties sur le prix du transport, ce qui augure de nouveaux conflits», prédit Vremia Novostieï. Le quotidien populaire Komsomolskaïa Pravda imagine que «le Belarus va décider unilatéralement d'augmenter le tarif du transport de gaz, pendant que la Russie va insister sur de nouveaux prix pour les livraisons ne prenant pas en compte les relations fraternelles entre les deux Etats. Dans le futur, nous ne sommes pas assurés contre de tels désagréments. Les détails des contrats de Gazprom ne sont pas révélés», écrit de son côté le journal économique Vedomosti, craignant que Moscou et Minsk invoquent des points des contrats inconnus du public pour justifier de nouveaux griefs, et de nouvelles crises. «Ce serait bien si les parties publiaient leurs contrats et inscrivaient une clause prévoyant que toute limitation des livraisons ou du transit, c'est-à-dire toute violation des droits du consommateur, n'est possible qu'avec l'aval d'un tribunal», propose-t-il.