Le Pakistan est sous pression depuis l'attentat sanglant ayant visé un mausolée soufi à Lahore. La situation sécuritaire absolument démente dans laquelle vit le pays est difficilement vécue par les Pakistanais. Des milliers de personnes ont manifesté dans les grandes villes pour protester contre le double attentat suicide qui a fait 43 morts jeudi dernier à Lahore. Les populations exigent du gouvernement une action plus résolue contre le terrorisme et l'extrémisme. Islamabad donne des signaux selon lesquels la situation reste sous contrôle. Le Premier ministre Yousuf Raza Gilani s'est rendu sur les lieux du carnage et s'est engagé à «vaincre les extrémistes». La pression populaire devient de plus en plus intenable pour le gouvernement. Les commerces et les bureaux ont fermé dans de nombreuses villes en raison d'une grève organisée par une organisation sunnite en réaction à la vague de violence qui s'abat sur le pays. C'est sous les slogans «mort aux talibans !» que quelque 6 000 personnes se sont rassemblées sans incidents à Lahore, la grande ville de l'est du Pakistan, accusant les autorités de la province du Pendjab, dont Lahore est la capitale, de ne pas faire preuve d'assez de fermeté envers les extrémistes. Ils sont soupçonnés de ne pas prendre en compte les préoccupations des populations. Des manifestations ont aussi eu lieu à Karachi, la grande métropole du Sud, à Rawalpindi, l'ancienne capitale du pays près d'Islamabad, et dans d'autres villes. La pression populaire se fait plus offensive. Des manifestants brûlent des pneus, scandent des slogans contre le terrorisme et l'extrémisme et reprochent au gouvernement fédéral de ne pas améliorer la sécurité dans le pays. «Nous poursuivrons nos protestations jusqu'à ce que le gouvernement prenne des mesures concrètes pour réprimer les activités terroristes», a déclaré Raghib Naeemi, le porte-parole de l'organisation sunnite qui avait appelé à la grève et aux rassemblements. Pour les médias, les talibans pakistanais présumé liés au réseau terroriste El Qaïda sont les principaux responsables de la vague de violence sanglante : 400 attentats et attaques de commandos ont fait près de 3 450 morts en trois ans au Pakistan. Depuis quelque temps, Lahore, deuxième ville du pays, est devenue la principale cible des attentats terroristes. Le double attentat suicide dans le mausolée soufi plein de pèlerins musulmans et situé au cœur de la vieille ville historique a provoqué une indignation extrême. L'acte terroriste n'a pas été revendiqué comme d'habitude dans un pays où les mouvements extrémistes font partie du décor. De précédents attentats commis à Lahore avaient été revendiqués par le fameux Mouvement des talibans du Pakistan (TTP). La menace d'autres attentats reste latente. Des perquisitions policières à Lahore ont permis de découvrir vingt vestes explosives, utilisées pour les attentats suicides. Pour rassurer l'opinion, le Premier ministre pakistanais s'est rendu au mausolée visé et a déclaré qu'il avait convoqué une réunion extraordinaire des organismes chargés de la sécurité et du maintien de l'ordre. «Nous devons être unis pour vaincre le terrorisme, et nous avons appelé la communauté internationale à nous aider à renforcer les capacités de nos organismes de sécurité.» L'attentat de Lahore a suscité l'indignation à travers le monde. L'Organisation de la conférence islamique (OCI) a condamné «les effroyables attentats suicides» de Lahore. Leurs auteurs «sont des ennemis de l'islam et de l'humanité et doivent être traduits en justice», a déclaré le secrétaire général de l'OCI, le Turc Ekmeluddin Ihsanoglu. L'attentat avait été notamment condamné par la secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton, qui a réitéré l'engagement des Etats-Unis «à soutenir les Pakistanais dans leurs efforts pour défendre leur démocratie». Le Pakistan reste un allié particulier de Washington dans sa «guerre contre le terrorisme». De plus, les rapports singuliers entre les talibans afghans et les services pakistanais font d'Islamabad un élément important de la politique américaine dans la région. Le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, et la responsable de la diplomatie de l'Union européenne, Catherine Ashton, ont également condamné les attaques ayant eu lieu au cœur de la vieille ville de Lahore abritant des lieux de culte et des symboles religieux très forts. Au Pakistan, les groupes extrémistes se revendiquant de l'islam sont responsables d'une vague sans précédent d'attentats qui ont fait plus de 3 400 morts dans tout le pays en trois ans. L'attentat suicide est un mode opératoire très usité, et Lahore est devenue une cible de choix. La chronologie des attentats dénote une situation sécuritaire terrible. Le 28 mai dernier, plus de 80 personnes ont été tuées à Lahore dans des attaques simultanées perpétrées par des kamikazes lourdement armés. Le 12 mars, un double attentat suicide visant des militaires à Lahore également avait fait un carnage : 57 morts. Deux kamikazes ont fait exploser leurs bombes à proximité d'un marché très fréquenté où les passants s'apprêtaient à entrer dans les mosquées pour la prière du vendredi. Quatre jours auparavant la ville de l'Est était le théâtre d'une attaque sanglante : un kamikaze au volant d'une voiture piégée pulvérise un immeuble de la police, tuant 15 policiers et passants. Les accusations sont systématiquement dirigées vers les talibans dont les fiefs sont les zones tribales du Nord-Ouest, frontalières avec l'Afghanistan. L'instabilité du voisin de l'Ouest déteint inexorablement sur le Pakistan pour des raisons liées à l'histoire des deux pays. Pour les observateurs, le Pakistan subit cette vague d'attentats en représailles aux offensives gouvernementales contre les talibans des zones tribales du Nord-Ouest, frontalières de l'Afghanistan. Du côté d'Islamabad, l'inquiétude est de mise. Les «talibans du Penjab» se font de plus en plus audacieux, défiant l'influence du pouvoir. M. B.