C'est grand, c'est gigantesque, c'est grandiose, c'est beau et c'est même sublime, en un mot, c'est chinois ! Alors, qui mieux que les Chinois pour faire parler la poudre ? La nation qui a inventé il y a longtemps l'explosif, le papier, l'encre, l'imprimerie, la boussole et les feux d'artifice ne pouvait livrer qu'un spectacle d'harmonie céleste. En un peu plus d'une heure, lors d'un show de 3h30', orchestré par Zhang Yimou, qui avait remplacé au pied levé Steven Spielberg, subitement atteint de crise de «Tibet» aiguë, 5 000 ans d'histoire de la Chine ont défilé à travers une succession réglée comme une symphonie de Mozart. Tableaux de couleur, fresques humaines, ballets chorégraphiques, sons et lumières pour offrir au monde un condensé de poésie chinoise. Ce sera une soirée romantique, avait prédit le réalisateur chinois du Secret des poignards volants. Aussi loin que puisse remonter dans le temps la mémoire défaillante du journaliste, précisément aux Jeux de Mexico, jamais cérémonie d'ouverture des Olympiades n'aura été si belle, si émouvante… Le yin et le yang étaient parfaitement combinés. Du jamais-vu. 15 000 artistes, figurants et militaires avec des tableaux très spectaculaires comme cet hommage à la mer où des baleines apparaissent en surimpression parmi les 90 000 spectateurs et où des acrobates ont joué les poissons volants. Les enfants qui sont «les fleurs de la patrie» pour les Chinois, la Chine ancestrale et les arts ont été les grands thèmes et tableaux du grandissime tableau que fut la cérémonie d'ouverture des XXVIes jeux Olympiques. Cerise sur le gâteau olympique, la chanson officielle des JO, Dreams, a été interprétée en anglais et en mandarin par un duo singulier composé de la pop star chinoise Liu han et de l'artiste de comédie musicale britannique Sarah Brithman. Outre les chanceux spectateurs du stade National, cœur du site olympique, plus de 500 000 Pékinois ont contemplé aux abords du «Nid d'oiseau» le feu d'artifice. Le plus grandiose jamais organisé par les maîtres de la pyrotechnie chinois qui ont tiré plus de 15 000 fusées sur un parcours de plusieurs kilomètres. De l'inédit, aussi, sur le terrain de la présence politique. Plus de représentants d'Etat qu'à une séance plénière des Nations unies et que lors des précédents jeux d'Athènes. Soit 160 ministres et surtout quatre-vingt-dix chefs d'Etat dont un président Abdelaziz Bouteflika concentré et amusé aux côtés du chef de l'Etat français qui était, lui, accompagné de son jeune garçon Louis, fils de Cécilia, ex-épouse de Sarkozy. Les appels au boycottage de militants des droits de l'Homme auront au final pesé de peu de poids face à la Realpolitik planétaire et au souci des grandes nations marchandes de ne pas se mettre à dos le pays préféré des investisseurs mondialisés, avec sa croissance à plus de 12% et son marché de 1,3 milliard de consommateurs. Le céleste empire, l'empire du Milieu, voulait être au centre de l'univers. Il est désormais le centre du monde. La Chine populaire, qui s'est enfermée sur elle-même derrière la muraille éponyme, s'est ouverte progressivement sur le monde depuis une trentaine d'années. Cette nation, qui n'a jamais été impérialiste et qui n'a jamais colonisé d'autres peuples, est partie à la conquête de la planète par les seules armes de l'intelligence et du commerce le moins-disant. Le dragon et le phénix, ne sont-ils pas les deux animaux fétiches et symboles de la Chine ? Le tableau n'est certes pas idyllique même, si, à Pékin, tout n'est que soin, ordre, perfection et harmonie. La Chine, et c'est défoncer une porte aussi ouverte que celles de la Cité interdite visitée désormais par le touriste étranger, n'est pas une grande démocratie évoluée, selon les canons philosophiques occidentaux. Beaucoup de progrès en matière de droits de l'Homme et d'écologie ont été réalisés et d'autres, bien d'autres, restent à accomplir dans un gigantesque pays de plus de 9 millions de km2 et de 1,3 milliard d'habitants avec 56 ethnies et, surtout, avec une croissance économique croissante, à deux chiffres. Faut-il pour autant jeter le bébé olympique avec l'eau du bain chinoise ? Pas sûr, et il ne revient surtout pas aux pays occidentaux, Etats-Unis en tête, de donner aux Chinois des leçons d'écologie ou même de démocratie lorsque eux-mêmes ont atteint un certain niveau de démocratie après quelques moult décennies de déchirements et de maturation. Mais, en fait, qu'est-ce que les Chinois n'ont pas encore inventé ? Sans doute, l'eau chaude et le fil à couper le beurre que d'aucuns, critiques de sofas inventent sans cesse depuis que la Chine du grand Mao est sur orbite pour être, demain, la future hyperpuissance. N. K.