Face à la multiplication des foyers et au risque de pandémie de grippe aviaire, dans le cas où le virus subirait une mutation vers l'homme, les autorités sanitaires mondiales tentent de constituer des stocks de l'antiviral Tamiflu, l'un des rares médicaments jugés efficaces contre le H5N1. Des études cliniques ont montré, selon le laboratoire Roche, que le Tamiflu est efficace contre la version asiatique du virus H5N1, qui a été détecté ces derniers jours en Roumanie et en Turquie. A l'heure actuelle, dans le monde entier, les équipes de recherche planchent sur un vaccin contre la grippe aviaire qui a déjà causé une soixantaine de morts en Asie depuis 2003, et pourrait provoquer des millions de morts en cas de mutation selon les spécialistes. La Hongrie a annoncé mercredi la mise au point par ses services vétérinaires et épidémiologiques d'un prototype de vaccin humain efficace contre le virus H5N1, potentiellement mortel, de la grippe aviaire. Le ministre de la Santé, Jeno Racz, a confirmé vendredi dernier que les résultats des tests effectués sur quelque 150 volontaires établissaient que l'efficacité du prototype ne faisait « aucun doute », la « totalité » des cobayes ayant développé des anticorps. La Hongrie s'apprête désormais à faire homologuer son produit par l'Agence européenne pour l'évaluation des médicaments, a précisé le directeur de la santé publique, Laszlo Bujdoso. « Nous allons entamer la procédure d'homologation européenne et produire à cet effet entre 20 000 et 100 000 ampoules à partir de la semaine prochaine », a-t-il déclaré à l'agence MTI. Le groupe français Sanofi-Aventis, lui aussi engagé dans la course au vaccin, avait estimé que le prototype hongrois « ne répondait pas aux exigences » de l'Agence. Un tel prototype constitue une étape indispensable pour la fabrication rapide d'un véritable vaccin dans le cas où le H5N1 muterait pour se transmettre de personne à personne, entraînant le risque d'une pandémie. M. Racz avait estimé mercredi dernier que la demande mondiale pour un tel vaccin, qui serait vendu entre 5 et 6 dollars, était de « plusieurs dizaines de millions de doses ». Le prototype hongrois a été développé depuis la fin septembre dernier à partir d'une souche du virus aviaire H5N1 apparue à Hong Kong en 1997 et isolée début 2005 sur une personne en Asie du Sud-Est par l'Organisation mondiale de la santé (OMS). « Notre vaccin rencontre un intérêt international prononcé, notamment de la part des Etats-Unis, de la Grande-Bretagne, de l'Indonésie, des Philippines, de l'Ukraine, de la Russie et de la Mongolie », a déclaré le ministre de la Santé, Jeno Racz, lors d'une conférence de presse à Budapest. « Le virus pandémique peut se trouver proche aussi bien d'une souche H5N1 de 2005, de 2003, ou même de 1997 », estime cependant Marie-José Quentin-Millet, directrice de recherche et de développement Sanofi-Pasteur, divisions vaccins du groupe Sanofi-Aventis. Aux Etats-Unis, des premiers tests d'un prototype Sanofi-Pasteur à base d'un virus tué ont montré qu'il induisait bien des anticorps protecteurs. « C'est une bonne nouvelle », s'est réjouit Anthony Fauci, directeur de l'Institut national américain des allergies et des maladies infectieuses (Niaid). Marie-José Quentin-Millet se dit « confiante que le prototype conférera un certain degré de protection contre un virus H5N1 pandémique ». Une « protection croisée » que les chercheurs vont vérifier, indique-t-elle, avec les souches d'H5N1 circulant actuellement. En France, les tests ont été faits, précise-t-elle, avec des doses et un nombre d'injections différentes, avec ou sans adjuvant, une substance chimique destinée à doper l'efficacité du vaccin. Mais un vaccin ne peut être mis au point tant que la forme que prendra le virus responsable d'une éventuelle ou future pandémie n'est pas exactement connue. Pour rappel, le groupe pharmaceutique suisse Roche, détenteur exclusif de la licence du Tamiflu, a pour la première fois, la semaine dernière, annoncé qu'il était prêt à accepter de confier à d'autres laboratoires la fabrication de ce médicament afin de pouvoir répondre à la demande. « Nous sommes préparés à discuter de toutes les options valables, y compris l'octroi de licences secondaires pour augmenter la production du Tamiflu », a indiqué William Burns, chef de la division pharmaceutique de Roche. Le géant helvétique s'est dit ouvert à la discussion avec les fabricants de génériques. Il a aussi annoncé l'augmentation de ses capacités de production avec l'entrée en service prochaine d'une nouvelle usine aux Etats-Unis.