Photo : S. Zoheïr Par Abderrahmane Semmar Les résultats exceptionnels du baccalauréat de cette année ne laissent pas présager que le meilleur. En effet, après l'euphorie et la joie, place maintenant à la dure réalité qui se profile avec les préinscriptions universitaires. Il faut dire qu'à la prochaine rentrée universitaire, de nombreux observateurs du secteur universitaire s'attendent à de très sérieuses complications. Et pour cause, avec pas moins de 212 555 nouveaux étudiants, nos universités auront beaucoup de mal à offrir à tout le monde une place pédagogique. Déjà, en temps normal, les défaillances structurelles et le manque de moyens pédagogiques terrassent chaque jour des milliers d'étudiants qui subissent de plein fouet les sempiternels problèmes d'organisation dans les campus. En réalité, le manque d'amphithéâtres, de salles de cours, de laboratoires équipés pour les TD cause de plus en plus de misères aux responsables de nos universités qui peinent à chaque fois à encadrer comme il se doit la communauté estudiantine. Dès lors, avec l'arrivée massive des nouveaux étudiants de cette année, il est plus que légitime de s'inquiéter sur l'accueil qui leur sera réservé. Mais cette inquiétude, le ministre de l'Enseignement supérieur et de la recherche scientifique (MESRS), Rachid Harraoubia, ne la partage pas. A l'entendre, tout se passera bien. D'ailleurs, s'agissant de l'inscription des nouveaux bacheliers à l'université, M. Harraoubia a assuré, jeudi dernier, que les futurs étudiants bénéficieront des meilleures conditions d'accueil et d'inscription, avant d'ajouter que les infrastructures seront suffisantes, autant pour les places pédagogiques que pour les services, la restauration, l'hébergement et le transport. S'agit-il alors d'un optimisme béat ou d'un enthousiasme fondé sur des faits avérés ? Rien n'est moins sûr. En tout cas, il semble que ce nombre massif de nouveaux étudiants n'angoisse guère les responsables du MESRS. Mieux encore, Harraoubia s'inquiète davantage de la qualité des études universitaires que des problèmes de l'encadrement pédagogique dont souffrent tout de même toutes nos universités. Dans ce sens, dès cette rentrée universitaire, cinq écoles préparatoires (deux à Oran, une à Tlemcen, une à Annaba et une autre à Constantine) «seront ouvertes aux meilleurs bacheliers en vue de cultiver l'excellence», a affirmé le ministre. Par ailleurs, M. Harraoubia s'est montré rassurant quant à la disponibilité des laboratoires pour les travaux de recherche. Sur ce point, il estime que 800 laboratoires répartis sur l'ensemble des établissements universitaires du pays, employant 16 000 chercheurs, et 34 programmes nationaux de recherche scientifique seront largement suffisants pour répondre aux besoins de la communauté universitaire. Un constat que les chercheurs et les enseignants ne partagent pas vraiment. Comme ils ne partagent nullement aussi les assurances de leur ministre. Pour eux, l'arrivée d'un tel nombre de nouveaux étudiants n'est pas à prendre à la légère. «Nos actuelles universités ne peuvent pas proposer des formations de qualité et dans un environnement adéquat avec une telle affluence d'étudiants. 85% de nos enseignants universitaires ne sont pas de rang magistral. Beaucoup d'entre eux sont même des vacataires. Comment voulez-vous qu'ils puissent bien encadrer tous ces étudiants ? Et je ne vous parle pas de détérioration des équipements universitaires qui, souvent, est à l'origine du retard accumulé dans la réalisation des mémoires de fin d'études», confie à ce propos un chef de département à l'université de Blida. D'autres universitaires n'ont pas caché leur crainte vis-à-vis de la prochaine rentrée qui s'apparente, d'après eux, à un vrai «bazar». Tout le monde avoue que les nouveaux bacheliers passeront au crible avant d'accéder à certaines filières car vu le grand nombre de ces étudiants, il y aura, à coup sûr, un relèvement des moyennes requises pour accéder à certaines filières. C'est dire, enfin, que les filières les plus prisées, et donc les moins accessibles, pour les mentions «assez bien» à l'image de l'INI (informatique), l'ESC (commerce), l'ESB (banques), pharmacie, médecine ou encore chirurgie dentaire, risquent de connaître beaucoup de trafic d'influence au profit des étudiants «épaulés» et au détriment des plus méritants. Tout cela n'incite guère à l'assurance.