Photo : Zoheïr Par Karima Mokrani Le système LMD (licence-master-doctorat) s'élargit à tous les établissements universitaires du pays : universités et centres universitaires, alors qu'il y a encore près de quatre années (rentrée universitaire 2004-2005), seuls dix établissements sur 58 l'avaient introduit dans leur enseignement, à titre expérimental. Expérience réussie ou non, c'est selon ! Sans donner de résultats précis sur l'avancement de ce projet -qui est toujours en chantier- le ministre de tutelle, M. Rachid Harraoubia, ne rate pas une occasion de dire les mérites de ce système. Selon lui, l'adoption de ce système est presque une obligation, non un choix. Une position justifiée par les mutations socio-économiques, non seulement en Algérie mais dans le monde entier. En effet, indique-t-il, «le système LMD est venu répondre aux besoins économiques, scientifiques et culturels de la société algérienne, et contribuer, par là même, à la préparation d'une élite nationale». Et d'insister : «Il est temps que l'enseignement supérieur national s'adapte aux standards internationaux.» Le ministre affirme être convaincu que le LMD est le meilleur système qui puisse placer l'étudiant «au centre du programme pédagogique» et l'aider à «être acteur de sa formation». Un autre responsable du ministère estime, de son côté, que l'enseignement supérieur algérien, tel qu'il est depuis plus d'une vingtaine d'années, ne doit pas échapper à sa propre réforme, reconnaissant ainsi, et de façon on ne peut plus claire, les problèmes de l'université algérienne. «D'aucuns ne peuvent nier qu'il y a des dysfonctionnements à corriger dans l'université algérienne. Il est donc indispensable de la moderniser afin de répondre aux besoins de la société.» Notre interlocuteur soutient, toutefois, que l'introduction de ce système dans l'enseignement supérieur ne concerne pas, pour le moment, toutes les filières. «Dans certaines filières, les conditions ne sont pas encore réunies pour introduire le LMD.» Aussi, insiste-t-il, «le LMD n'est pas obligatoire pour les étudiants. Nos étudiants peuvent toujours opter pour l'ancien système s'ils le désirent». Les difficultés sur le terrain La réalité du terrain renseigne pourtant sur une certaine résistance de la part des étudiants et même des enseignants par rapport à l'application de ce système, pour des raisons beaucoup plus objectives que subjectives. Plusieurs fois, devrions-nous le rappeler, des étudiants ont dû recourir à des actions de protestation, dans l'enceinte même des établissements, pour manifester leur rejet de cette nouveauté. L'Université des sciences et des technologies Houari Boumediene (USTHB), à Bab Ezzouar, était la plus marquée par ces mouvements de protestation. N'empêche que, dans cette même université, le LMD est introduit dans toutes les filières et dans tous les programmes, de la première à la dernière année d'enseignement, ne laissant pas de véritables choix aux étudiants. Et pourtant, soutiennent des enseignants «récalcitrants», des partis politiques, des députés et des sénateurs, «l'université algérienne n'est pas encore prête pour ce genre d'enseignement, avec tous les avantages qu'il pourrait y avoir à long terme». Le nombre de plus en plus élevé de bacheliers arrivant chaque année à l'université –plus de 300 000 cette année (taux de réussite de 55% à l'examen du baccalauréat)- ne présage pas une meilleure réceptivité pour le changement. Les raisons sont bien claires et logiques. La première en est que ce système nécessite des moyens humains et matériels très importants, difficiles à trouver aujourd'hui dans les établissements universitaires du pays : amphithéâtres spacieux et bien équipés, salles de travail de pas plus de 20 étudiants, un micro-ordinateur pour chaque étudiant, laboratoires et espaces de travaux pratiques bien aménagés, bibliothèques riches en documentation, encadreurs compétents… et un traitement individuel pour chaque nouveau bachelier, de façon à l'aider à choisir son projet professionnel. Des conditions qui sont loin d'être réunies aujourd'hui dans une université où l'on continue à travailler avec de la craie, en se mettant à trois, voire à quatre, devant une table de deux personnes, parfois debout pour assister à un cours, et en faisant de longues queues pour avoir un livre ou un document complètement usé. Quant à l'utilisation de l'ordinateur dans les salles de travail, ce n'est même pas la peine d'en parler. On n'en est pas encore arrivé à ce stade. Il faut d'abord gérer le flux d'étudiants. C'est la gestion de ce problème qui prime chaque année. Tout le reste est secondaire, devrions-nous dire. S'agissant de l'autre point qui est aussi important dans l'application de ce nouveau système, à savoir le travail avec les entreprises, beaucoup d'observateurs estiment que celles existantes (et qui sont, de surcroît, sollicitées par d'autres départements ministériels pour d'autres projets de partenariat) ne peuvent pas répondre à toutes les demandes exprimées. Surtout qu'il n'y a pas de mesures incitatives à leur égard. Ainsi donc, quoi que l'idée (l'introduction du système LMD) soit assez bonne pour réaliser les différents objectifs de la réforme de l'enseignement supérieur, les initiateurs de ce projet doivent se pencher sérieusement sur ces problèmes qui handicapent la bonne marche de la nouvelle machine, en associant toutes les parties concernées par cette question, à savoir les enseignants, les étudiants, les patrons d'entreprise, les représentants politiques. Un vrai débat s'impose pour éviter les erreurs du passé.