Photo : Riad De notre envoyée spéciale à Ath Yenni Mekioussa Chekir La quatrième édition de la fête du bijou, qui s'est ouverte le 16 juillet dernier pour se poursuivre jusqu'au 24 juillet prochain à Ath Yanni (Tizi Ouzou) s'inscrit, encore une fois, sous le signe de la sauvegarde de l'artisanat traditionnel propre à cette daïra de la Grande Kabylie, à savoir le bijou d'argent qui est essentiellement à l'origine de sa renommée. Car, plus que jamais, ce savoir-faire ancestral, hérité et perpétué de père en fils depuis des générations, continue de subir les contrecoups du temps, marqués par une cherté galopante et indomptable de la matière première et par un pouvoir d'achat de plus en plus érodé du citoyen. Une équation qui met en dilemme et dans une situation mal aisée les artisans bijoutiers d'Ath Yenni contraints comme tout le monde d'assurer leur gagne-pain et de céder leur marchandise à des prix plus ou moins raisonnables. Parce que l'argent et le corail, matières premières de base du bijou en question, connaissent une cherté croissante depuis quelques années, les commerçants éprouvent de plus en plus de difficultés à écouler leurs articles. D'année en année, la situation va s'accentuant. Et c'est pour ces raisons que l'initiative d'une manifestation dédiée à cet artisanat est vivement saluée de leur part et s'apparente à une sorte de bouée de sauvetage périodique qui leur permet de se tirer, un tant soit peu, d'affaire. L'on comprend mieux alors que certains d'entre eux ont décidé, coûte que coûte, d'organiser cette quatrième édition du salon, en dépit de l'absence de sponsoring et de contributions financières de la part des autorités concernées, aussi bien locales que celles chargées du département de la culture, parce qu'il est une expression culturelle et/ou de l'industrie, parce que l'artisanat est sous sa tutelle. Car, si le bijou d'Ath Yenni était à l'honneur à travers une fête placée sous le haut patronage de la tutelle et bénéficiait d'un sponsoring important de la part de diverses parties, la manifestation s'est réduite depuis quatre ans à un simple salon, histoire de la maintenir contre vents et marées, à mesure que la prise en charge de l'événement faisait défaut. Or, cette année, n'était-ce la détermination des bijoutiers à préserver cette précieuse opportunité pour faire écouler leurs anciens et plus récents stocks, le salon aurait pu ne pas avoir lieu du tout en raison de l'absence totale de soutien financier. Organisés en comité piloté par Abbad Azzedine, Kellouche Mouloud et Abib Malek, les artisans bijoutiers (plus d'une quarantaine) ont tout financé eux-mêmes à travers des contributions individuelles permettant de prendre en charge les frais d'affichage, d'entretien et de ménage, d'organisation, d'accueil… L'APC d'Ath Yenni a participé en mettant à leur disposition les classes de l'école Larbi Mezani pour les stands d'exposition ainsi que le bus qui sert de support pour l'affichage. Mais force est de constater une affluence moins importante lors de ce salon, en comparaison aux autres éditions. Le nombre des estivants et autres vacanciers étant plus réduits en raison, principalement de l'approche du mois de Ramadhan. Toujours est-il que pour ceux qui s'y rendent et qui viennent, le choix des articles est garanti mais le choix de la décision n'est pas toujours aisé en raison de la cherté des bijoux. Une cherté imposée par une énième hausse de l'argent, cédé cette année entre 70 000 et 80 000 DA le kilo alors que le corail est vendu à raison de 25 000 DA. Ce qui s'est répercuté par des prix plus élevés à hauteur de 200 DA au minimum pour les petits articles (bagues, boucles d'oreilles…) et d'au moins 3 000 DA pour les plus grands (bracelets, colliers….). Pour autant, les affaires marchent plutôt bien pour la majorité des exposants, les visiteurs saisissant l'opportunité d'une telle manifestation pour faire des achats qui coïncident à point nommé avec la période des fêtes et des joies. «Nous avons pas mal vendu, nous proposons même des rabais pour notre clientèle sinon c'est une occasion pour nous de vendre l'ancienne marchandise qui se vend plus difficilement le reste de l'année», déclare, satisfait, Abbad Brahim, bijoutier à Taourirt Mimoun. Son frère, Azzedine, regrette l'absence de soutien financier pour assurer la pérennité de cette manifestation qui a permis, notons-le au passage, de faire travailler momentanément quelque 30 personnes désœuvrées, payées à raison de 3 000 DA. Son voisin de stand, Kellouche Mouloud, bijoutier à Ath Lahcène, déplore, quant à lui, la limitation de quotas imposée cette année par l'Agence nationale pour la distribution et de transformation de l'or et autres métaux précieux (Agenor). «On nous a limité l'approvisionnement en argent à raison de 2 kg par artisan, alors qu'avant on achetait autant que notre argent nous le permettait. Nous avons obligation de poinçonner nos produits avant de prétendre à un autre quota similaire. C'est la preuve que la matière première manque de plus en plus», dira-t-il. Et de faire savoir qu'en raison de cette situation, le bureau d'Agenor à Tizi Ouzou a fermé ses portes et les bijoutiers sont depuis, contraints de se rendre jusqu'à Alger pour s'approvisionner en argent. Quant au corail, c'est une autre histoire, nous dit-on. Cette matière n'est plus vendue par Agenor depuis un moment et elle est achetée auprès de vendeurs non officiels ayant grossi le marché parallèle de cette activité. De quoi s'inquiéter du devenir du bijou kabyle d'Ath Yenni, un des pans du précieux patrimoine matériel de la région de Kabylie, voire de l'Algérie entière. Et conséquemment, du devenir de dizaines de familles qui vivent de ses rentrées et de sa bonne santé.