à trois semaines du Ramadhan, il est une certitude : ce ne sont très certainement pas les spéculateurs qui sont terrorisés par les mises en garde brandies par les pouvoirs publics. Il faut souligner que les divers départements ministériels n'arrêtent pas de corréler leurs actions, notamment au cours de ces cinq dernières années, pour arriver enfin à appréhender une ou des situations qui relèvent de leurs attributions avec une certaine cohérence, et donc avec harmonie. Il faut concéder au gouvernement d'avoir de réelles intentions de «vouloir» mettre un terme au désordre ambiant, voire à la cacophonie en matière de commerce et par extension en l'émergence d'une déréglementation quasi institutionnalisée en pratiques commerciales. Mais entre vouloir et faire appliquer, il existe un fossé énorme que ne franchiront pas allègrement, loin s'en faut, les citoyens en pariant sur l'engagement et les résolutions officiels et/ou sur la fermeté des organes administratifs relevant de la tutelle des différents ministères comme les Finances, l'Intérieur et forcément du Commerce. Un rapide coup d'œil sur le rétroviseur résumerait superbement la situation. Depuis 1988 et l'avènement de l'économie de marché, le consommateur est livré en pâture à un type de saigneurs des agneaux. Il faut néanmoins concéder le peu de propension que ce dernier (le consommateur) a de lui-même, le peu de considération qu'il a pour sa propre dignité de citoyen en allant soumis à l'autel, victime expiatoire par excellence. Et, par voie de conséquence, son inquiétante inclination à ne contribuer en rien à l'effort aussi dérisoire, est-il nécessaire de le souligner, de l'Etat de le protéger contre les prédateurs à satiété évoqués. Les pouvoirs publics installent donc à chaque fois, autrement dit dès que se profile à l'horizon un évènement à résonance collective, un arsenal de textes, assuré par matraquage publicitaire via ses moyens publics d'information. Les organismes et les responsables qu'ils mandatent pour cette politique s'en font les relais en actionnant à leur tour d'autres officines et sous-officines, des subalternes et encore des subalternes. Entre-temps, les spéculateurs ne prennent même pas la peine de s'organiser, de se constituer en cartel parce qu'ils savent tout bonnement qu'ils ont la partie facile face à des Algériens résignés et à des autorités impuissantes. Alors, quand, il y a quelques mois, un responsable au niveau du ministère de l'Agriculture assurait que les capacités de stockage des viandes blanches étaient telles qu'il n'existait aucun risque de voir une spéculation autour du poulet, et ce faisant, les prix seront largement maîtrisés, on ne peut que demander à juger sur pièce au cours des trois jours qui vont précéder le mois de Ramadhan. Ce ne sont pas non plus les millions de tonnes de viande importées qui vont réguler le marché dans la mesure où celles-ci, pour des raisons tellement évidentes, ne seront pas disponibles. Ou sinon, elles le seront une fois la tension passée et le petit peuple ayant usé de sa débrouille habituelle. C'est-à-dire en se serrant quelque peu la ceinture, en s'endettant à mort ou en recourant au mont de piété. Le plus grave serait, parce que les conditions idoines ne sont pas réunies, qu'il ne fasse pas carême. Mais cette alternative est au cœur du problème parce qu'il est plutôt question de ne pas manger en raison des difficultés d'y arriver. Heureusement ou malheureusement, l'attitude spartiate, le stoïcisme mais surtout la résignation ont de tout temps permis à nos compatriotes de transcender toute notion de défaitisme face à leurs saigneurs de tous bords, faut-il le préciser. A. L.