Lors du Conseil des ministres qu'il a présidé le mercredi 26 août, le chef de l'Etat a mis le ministre du Commerce face à ses responsabilités. «J'entends qu'aucune règle de liberté du commerce ne soit invoquée à l'avenir pour justifier la limitation des capacités de l'Etat à imposer des pratiques commerciales loyales et à réprimer les spéculations qui nuisent aux citoyens. Les moyens requis seront mis à la disposition des services de contrôle commercial, mais ces derniers devront assumer leurs responsabilités entières et reprendre la situation en main», a averti le président de la République. Devant l'envolée des prix des fruits et légumes, des viandes (rouges et blanches) et de commerçants sans état d'âme qui ont redoublé de férocité, particulièrement en ce début du mois de Ramadhan, les consommateurs algériens ne pouvaient trouver et espérer meilleur défenseur. L'intervention du premier magistrat du pays a pour objectif de mettre le holà quant à ce phénomène. Elle vise aussi, et surtout, à interpeller tous les acteurs qui en sont responsables. A commencer par le gouvernement et essentiellement les différents départements ministériels, chargés de veiller à la stabilité des prix de ces produits de consommation, lesquels il faut reconnaître, ont plus participé à brouiller le débat sur cette question qu'à juguler ce fléau. En ce sens, la sortie très médiatisée de l'ancien ministre de l'Agriculture demeure un morceau d'anthologie en la matière. «Si les gens monopolisent le marché, il existe normalement une institution qui doit prendre en charge cette situation. Je n'ai pas pour vocation de contrôler le marché...la régulation du marché, la répression du monopole et le contrôle des chambres frigorifiques incombent aux services du ministère du Commerce», a répondu Saïd Barkat, aux députés qui l'interrogeaient sur la régulation des prix des fruits et légumes et les causes de la flambée des prix de la pomme de terre, au mois de novembre de l'année 2006. Le premier responsable du secteur de l'agriculture avait pourtant annoncé, quelque temps auparavant, la baisse de son prix qui avait atteint 50 dinars le kilogramme à l'époque. En matière de solidarité gouvernementale, on ne pouvait guère faire mieux. Le ton, en tous les cas, était donné pour que l'on s'enfonçât davantage dans un flou artistique qui renseignait sur le mode de gestion de la crise chronique de la flambée des prix qui demeure toujours incomprise, à ce jour, par la quasi-majorité des citoyens. De son côté, son collègue du ministère du Commerce s'en lave les mains. Il pointe du doigt la production nationale qu'il juge insuffisante. Le feuilleton semble s'éterniser. En novembre 2008, à l'occasion de l'envolée des prix qui a touché cette fois-ci les oeufs, le chargé de la communication au niveau du ministère d'El Hachemi Djaâboub a eu cette réponse lapidaire: «Il faut demander au ministre de l'Agriculture.» A ce jeu-là il semblait évident, comme il fallait s'y attendre, que le président de la République ne pouvait encore longtemps garder le silence. Il renvoie dos à dos tout ce beau monde dont les sorties médiatiques n'ont fait que la part belle aux spéculateurs. Ces derniers ont largement profité de cette cacophonie ambiante et de la brèche qui leur a été laissée ouverte par des pouvoirs publics qui assistaient passifs et impuissants à la saignée du pouvoir d'achat des travailleurs. Agir? Ils l'avaient pourtant promis et annoncé. «Tout contrevenant qui sera pris la main dans le sac sera sévèrement sanctionné et la loi sera appliquée dans toute sa rigueur», avait pourtant averti le secrétaire général du ministère du Commerce avant le début du mois de Ramadhan. Rien n'y fit. Des promesses sans plus. Les spéculateurs ont sévi sans être inquiétés. Le président de la République en a fait un réquisitoire implacable. «La maîtrise de la régulation du marché, notamment à l'occasion du mois de Ramadhan, a révélé ses limites, face aux effets de la libéralisation incontrôlée des circuits de distribution, aggravés conjoncturellement surtout, par des pratiques spéculatives et parasitaires au détriment des citoyens et à l'encontre de la portée spirituelle du mois de Ramadhan», a tenu à souligner Abdelaziz Bouteflika. Le communiqué du chef de l'Etat sonne comme un strict rappel à l'ordre, et dénonce l'inertie des responsables face à la flambée des prix des produits de consommation. Une situation qui n'a que trop duré et qui est devenue par la force des choses, intolérable. Elle a eu pour fâcheuse conséquence, de sévèrement sanctionner les citoyens à l'occasion du mois sacré.