Comme il était attendu, la crise somalienne a éclipsé le thème officiel du 15ème sommet de l'Union africaine (UA) dont les travaux s'achèvent aujourd'hui à Kampala. Il faut dire que dès le début de la cérémonie d'ouverture de la conférence des chefs d'Etat et de gouvernement, organisée sous haute surveillance dans la zone touristique Munyunyo quadrillée par de nombreuses troupes militaires, les dirigeants africains n'ont guère hésité à tirer à boulets rouges sur le mouvement radical somalien des Shebbab. Celui-ci est devenu d'ailleurs l'ennemi numéro un de l'UA. Le président ougandais, M. Museveni, a ouvert, dans ce sens, les hostilités contre le mouvement somalien en annonçant publiquement que son pays va chasser «ces terroristes de l'Afrique». En réalité, les Ougandais envisagent, après les terribles attentats dont ils ont été victimes le 11 juillet dernier, de mener des opérations militaires poussées sur le sol somalien. Les troupes ougandaises qui composent le plus gros contingent de l'AMISOM (Mission de l'Union africaine en Somalie), ne se contenteront plus, explique M. Museveni, de surveiller et protéger trois sites en vertu du mandat de la force de l'UA. «Au nom de la légitime défense, nous avons le droit d'aller chasser ces terroristes», a affirmé le président ougandais qui a déclaré ainsi officiellement la guerre aux rebelles somaliens en prise avec le gouvernement intérimaire. Dans les couloirs du sommet de l'UA, cette déclaration de guerre de l'Ouganda, soutenue par l'Ethiopie, le Kenya et Djibouti, ne rassure nullement les autres délégations africaines. Celles-ci doutent fort qu'une énième guerre va permettre de se débarrasser des mouvements radicaux somaliens. D'autant plus que militairement, la situation somalienne n'est guère favorable pour les Ougandais et leurs alliés. Et pour cause, les milices des Shebbab contrôlent tout le nord et le centre de la Somalie et à Mogadiscio, ville ruinée par les combats, le gouvernement intérimaire protégé par les troupes de l'UA ne contrôle que quelques quartiers. C'est dire donc que les 2 000 soldats que va envoyer l'UA, la décision a été entérinée au cours de ce sommet, seront confrontés à une guerre atroce déclenchée par les Shebbab. Sous-équipées et sous-payées, ces nouvelles troupes qui viendront épauler celles qui sont déjà sur place, risquent d'avoir du mal à freiner la progression des Shebbab qui sont décidés à prendre le pouvoir. A ce sujet, de nombreux participants au Sommet nous ont confié qu'il faut au moins 50 000 soldats pour contrer les Shebbab. «Le gouvernement intérimaire de Mogadiscio ne fera pas long feu. Il risque de s'effondrer à n'importe quel moment. Et à ce moment, il sera trop tard pour faire quoi que ce soit. De toute façon, la Somalie, après deux décennies de guerre civile, se dirige tout droit vers un régime islamiste à l'Afghane à l'époque des Talibans. Les Américains qui ne veulent pas de cela font pression sur les autres pays de la région pour faire le sale boulot en leur apportant un soutien financier. Mais cela suffira-t-il pour arrêter les Shebbab ?», s'interroge un observateur djiboutien qui nous a fait part également des fortes inquiétudes de son pays quant à la très probable accession au pouvoir des Shebbab, ce mouvement qui a créé une terrible tension géopolitique dans toute l'Afrique de l'Est, au point de devenir un thème central dans les débats à Kampala.