Photo : S. Zoheir Par Samira Imadalou Un tour dans les marchés de la capitale et dans d'autres régions du pays nous permet de constater que les prix des viandes blanches ont flambé, pendant que ceux des fruits et légumes sont restés pratiquement stables. Ainsi, à la veille de Ramadhan, la pression commence à se faire ressentir sur ce produit, dont la demande augmente durant cette période de l'année. Certes, habituellement, les prix des viandes blanches (poulet et dinde) sont revus à la hausse durant la saison estivale, mais cette hausse s'est accentuée davantage cette année. Le kilogramme de poulet vidé est cédé à pas moins de 300 DA. Ce qui est loin d'être à la portée des consommateurs, particulièrement les bourses moyennes. Pour faire face à cette situation, le gouvernement a décidé de recourir au stockage. En d'autres termes, à la congélation du poulet pour le proposer par la suite aux consommateurs à des prix dits «concurrentiels». C'est l'Office national d'aliments de bétail (ONAB) qui s'est chargé de cette opération depuis son lancement. Actuellement, quelque 4 200 tonnes de poulet congelé local sont stockées au niveau de l'ONAB en attendant leur distribution. Plusieurs étapes ont été franchies pour assurer la réussite de la distribution de ces viandes. Il reste à savoir maintenant si le consommateur achètera cette viande à 250 DA le kilo. A ce prix, la différence ne sera pas très importante par rapport à ceux appliqués par les volaillers. Il est encore tôt pour se prononcer sur la réussite ou l'échec d'une telle opération comme c'est d'ailleurs le cas pour l'importation de viande bovine de l'Inde. Mais on s'attend à ce que des anomalies soient signalées. 250 DA le kilo et une traçabilité garantie On s'attend même à des réticences de la part des consommateurs pour ces produits. Car, si les Algériens sont contraints ces dernières années, vu leur faible pouvoir d'achat, à consommer les viandes bovines et ovines congelées, le poulet congelé ne fait pas partie de leurs traditions ou de leurs habitudes culinaires. Toutefois, l'assurance émise par l'ONAB quant à la qualité du poulet à mettre sur le marché pourrait changer la donne. Les déclarations du premier responsable de l'Office à cet effet sont claires. Il a, pour rappel, avancé la semaine dernière que le prix de 250 DA le kilo peut être une référence, tout en précisant que «ce qui compte le plus, c'est le fait que le consommateur achète un poulet sain, dont la traçabilité est bien connue». Une précision de taille surtout que la consommation du poulet augmente pendant le Ramadhan qui coïncide cette année avec les grandes chaleurs, donc en période des grands risques alimentaires. Il reste à voir aussi si les 200 volaillers et bouchers qui ont déjà répondu à l'appel du partenariat de l'ONAB pour la distribution de poulets congelés, durant le mois de Ramadhan, respectent le cahier des charges. Un cahier qui fixe deux conditions pour la signature du contrat de franchise, à savoir la possession de structures de froid et la pratique d'un prix de vente uniforme fixé préalablement par l'ONAB, c'est-à-dire 250 DA le kilo. Mais posséder des structures de froid ne signifie pas forcément respecter les conditions de stockage. Les pratiques véreuses de certains commerçants, qui mettent carrément, dans certains cas, leurs structures de froid à l'arrêt pendant la nuit, laissent planer des doutes. Là, intervient le rôle des contrôleurs appelés à être sur le terrain à travers, notamment des visites inopinées. Des opérations de contrôle à effectuer également dans d'autres sites connus pour être des lieux d'abattage clandestin, comme c'est le cas à Magtâa Kheira à Alger, devenu ces dernières années un grand volailler à ciel ouvert. Ce n'est pas le seul site illégal que compte le pays puisque 70% des poulets vendus proviennent du marché informel. Ils sont abattus dans des conditions d'hygiène lamentables loin de tout contrôle et suivi vétérinaires. Prédominance du marché informel dans la filière avicole Avec une production de 20 000 tonnes/an, dont 18 000 tonnes se vendent congelées, l'ONAB, avec ses 14 abattoirs, n'assure que 7% de la production nationale en poulets, estimée à 300 000 tonnes/an (l'objectif étant de la porter à 700 000 tonnes à l'horizon 2014 pour une consommation de 16 kg/habitant contre 8 kg/habitant actuellement). Le reste, à hauteur de 20%, est assuré par les 500 abattoirs privés et communaux que compte le pays. La part du lion revient à l'informel qui continue à sévir. Pourquoi cette irrégularité et cette prédominance du marché noir ? L'ONAB explique cet état de fait par la fiscalité élevée pour l'abattage des poulets et dindes et aussi par la cherté des aliments importés. Or, ces deux points à eux seuls n'expliquent pas cette situation inquiétante dans laquelle se débat la filière avicole au même titre que d'autres filières. Les mesures prises au début de l'année par le ministère de l'Agriculture et du Développement rural seront d'un grand apport aux petits éleveurs qui bénéficient déjà du crédit R'fig, lancé par la Banque lgérienne de développement rural (BADR) et le financement étatique à raison d'un million de dinars pour chaque bâtiment d'élevage. Si, pour améliorer la production des viandes blanches, les décisions sont là, qu'en est-il pour la chaîne de distribution avec cette décision de l'ONAB de s'orienter vers l'aval ? Une décision qui devrait se poursuivre à long terme. «C'est une nouvelle orientation vers l'aval, une stratégie à long terme et non pas une opération limitée au Ramadhan», a tenu à préciser le responsable de l'ONAB à ce sujet. C'est justement ce qui est attendu par le consommateur. Et pour cause, le problème de la régulation du marché, que ce soit pour les viandes blanches ou pour tout autre produit alimentaire, se pose avec acuité et nécessite un travail de longue haleine. Cette régulation ne devrait donc pas se limiter à une période de l'année. Car, on a tendance à revenir sur cette question qu'occasionnellement, alors que les anomalies sont signalées à longueur d'année.