Comme chaque année, à l'approche du Ramadhan, les Algériens scrutent la mercuriale des prix des fruits et légumes. Face à la flambée des prix, ils appellent à des actions vigoureuses d'encadrement et de régulation du marché. comme chaque année, des cellules de crise, des comités interministériels et autres structures ad hoc sont mis en place pour juguler la spirale infernale des prix et le saignement qu'ils provoquent chez les petites et moyennes bourses. Comme toujours, en pareilles circonstances, des mises en garde à l'encontre des spéculateurs sont accompagnées d'effets d'annonce largement diffusés par les médias officiels. Comme à l'accoutumée, les différents ministères se rejettent la responsabilité. “C'est l'économie de marché, les prix sont libres, c'est la loi de l'offre et de la demande, on n'y peut rien.” Ce genre d'arguments avancés souvent par de hauts responsables de l'Etat, tout en recouvrant une part de la réalité, ne font pas moins l'impasse sur l'autre part, plus difficile à avouer celle-là, parce qu'elle signifie un aveu d'échec. La vérité est que plus de 60% des fruits et légumes commercialisés transitent par des circuits informels et échappent à tout contrôle. La vérité est que l'ouverture débridée du marché, sans instrument de régulation et de contrôle de la puissance publique, a favorisé ce type de pratiques spéculatives et frauduleuses. La vérité est que cette situation tend à devenir structurelle au-delà de la période du Ramadhan. Elle menace tellement la stabilité sociale que le président de la République lui-même a réagi clairement contre la libéralisation sauvage des circuits de distribution, lors du Conseil des ministres tenu le 26 août 2009 : “La maîtrise de la régulation des marchés, notamment à l'occasion du mois sacré du Ramadhan, a révélé ses limites face aux effets de la libéralisation incontrôlée des circuits de distribution, aggravés conjoncturellement surtout par des pratiques spéculatives et parasitaires au détriment des citoyens et à l'encontre de la portée spirituelle du mois de Ramadhan.” Quelles sont donc les mesures prises cette année ? Au plan législatif et réglementaire, l'amendement de la loi sur la concurrence permet au ministre du Commerce de “fixer les marges bénéficiaires et les prix des produits et services à travers un décret exécutif”. Cette disposition est cependant assujettie à des conditions. Les marges fixées par le ministre du Commerce seront basées sur des prix et des marges proposés par les secteurs concernés, en concertation avec les professionnels, ainsi que le Conseil de la concurrence. Importation de 5 000 tonnes de viande congelée pour le Ramadhan Par ailleurs, afin de mieux maîtriser la régulation du marché et d'assurer son approvisionnement régulier, il sera fait appel aux structures publiques telles que l'OAIC pour les produits alimentaires de base comme les céréales et légumes secs, et à la SGP Proda pour les viandes, etc. L'autre obstacle déterminant dans la répartition spatiale et la fluidité des flux commerciaux des fruits et légumes, que les pouvoirs publics semblent décidés à résoudre, concerne les infrastructures et équipements de commercialisation de ces produits. Ainsi, selon le directeur de la réglementation des marchés et activités commerciales et professions réglementées auprès du ministère du Commerce, une enveloppe de 47 milliards de dinars sera consacrée à la réalisation de 50 marchés de fruits et légumes et 30 abattoirs entre 2010 et 2014. À ces mesures législatives, réglementaires et de création de nouvelles infrastructures, l'Exécutif, en prévision du Ramadhan, a décidé d'un plan d'urgence d'approvisionnement du marché et de constitution de stocks afin de prévenir toute rupture de l'offre qui pourrait alimenter la spéculation. Ce programme consiste notamment en l'importation de 5 000 t de viande congelée, 10 000 t de viande ovine fraîche, 1 000 t de citron et la possible importation de tomate fraîche. Pour ce qui concerne les viandes blanches, le plan d'urgence prévoit l'acquisition auprès des producteurs locaux de 4000 t. Par ailleurs, les pouvoirs publics prévoient la constitution d'un stock de 30 000 t de lait en poudre. Théoriquement, un tel dispositif devra se traduire par une stabilité des prix et un approvisionnement régulier du marché durant le mois de Ramadhan. Reste l'épineux problème de l'inflation liée à l'évolution des coûts de production agricole au niveau national, ainsi qu'aux fluctuations des prix aussi bien des fruits et légumes que des légumes secs au niveau du marché mondial. Cette question ne peut être réglée que dans la durée, par une amélioration de la production nationale, une maîtrise des prix des facteurs de production, une évolution du pouvoir d'achat des citoyens. En d'autres termes, cela signifie une relance effective de l'économie nationale dans son ensemble, mais c'est là un tout autre débat.