Les enseignants contractuels en grève de la faim ne quittent pas le siège du SNAPAP (Syndicat national autonome des personnels de l'administration publique) où ils sont en grève de la faim depuis exactement trente jours. Installés en groupe de 10 à 20 personnes, dans de petites chambres qui ne disposent d'aucune commodité en cette période de grandes chaleurs, les enseignants désespérés voient s'amenuiser chaque jour davantage leurs forces physiques mais aussi mentales. Les visages sont pâles, les lèvres sèches, les corps de plus en plus frêles et squelettiques, les mouvements des bras et des jambes de plus en plus lents… et pas seulement : des troubles neurologiques commencent à apparaître de façon très inquiétante chez plus de la moitié d'entre eux. Un cas de dépression nerveuse s'est déjà déclaré chez une femme que les infirmiers bénévoles du SNAPAP ont décidé de mettre dans une pièce à part. Les autres manifestent une grande hostilité à l'égard des étrangers et même des membres de leurs familles et des personnes qui leur ont déjà exprimé leur soutien. Des hommes et des femmes parmi ces grévistes deviennent nerveux, agressifs… Certains pensent même au suicide, cherchant à ingurgiter de l'eau de javel ou du grésil, selon les déclarations d'un représentant du SNAPAP qui a choisi de rester aux côtés de ces grévistes en cas de besoin. Un infirmier bénévole affirme que les grévistes ont atteint la phase n°2 : «douleurs musculaires, œdème oculaire, dysfonctionnement du système urinaire, vertiges, hypothermie, troubles digestifs… mais aussi des troubles neurologiques. Il sera difficile pour eux de poursuivre la grève de la faim encore dix jours au plus». «Nous sommes des militants. C'est un combat de longue haleine. Nous continuerons notre mouvement de protestation au prix de notre vie», réplique une des grévistes. Hier, aux environs de 12h30mn, un des grévistes était évacué, dans un état critique, vers l'hôpital. L'homme ne pouvait bouger ni les mains ni les pieds lorsque deux agents de la Protection civile essayaient de le soulever pour le transporter vers l'ambulance. On aurait dit qu'il ne respirait plus. Juste un regard perdu dans un plafond sans couleurs. L'enseignant de physique, contractuel depuis 14 ans, est devenu une loque humaine devant le regard attristé de ses camarades. «Ce sera l'intégration ou le cercueil», ne cessait-il de dire à ses compagnons, avant de leur annoncer, le matin, que ses bras ne fonctionnaient pas. Indignés par le silence des pouvoirs publics, «à leur tête, le ministère de l'Education nationale, celui de la Solidarité nationale, le Croissant-Rouge algérien et le Conseil national consultatif de défense et de promotion des droits de l'Homme… qui n'ont pas daigné venir voir dans quel état se trouvaient les grévistes de la faim», des représentants du SNAPAP s'interrogent : «Attendent-ils qu'ils meurent pour dire qu'ils les regrettent après ? Dire que les enseignants n'auraient pas dû recourir à cette solution extrême ?» La grève de la faim des enseignants contractuels se poursuit donc avec la même détermination et la même combativité des premiers jours. Les pouvoirs publics font la sourde oreille. Le ministère de l'Education réagit avec les mêmes propos : «Il faut passer le concours.» Alors que ce ne sont pas tous les enseignants contractuels qui y ont droit. Les enseignants contractuels (non grévistes) annoncent un autre sit-in, aujourd'hui, devant la présidence de la République. Ils comptent sur le soutien des représentants de la société civile, de l'intersyndicale de la fonction publique et ceux des partis politiques pour faire entendre leur voix. K. M.