Photo : Riad Par A. Lemili Rapidement passé l'adhésion euphorique de nos confrères à la très récurrente grille spéciale télévisuelle du mois de Ramadhan annoncée par la direction de «l'imposant» média public, pour n'avoir pas eu l'opportunité ou su exiger, comme cela se fait ailleurs par souci professionnel, de voir d'abord tout ou partie du produit et par voie de conséquence de juger sur pièces, tout le monde s'est un peu trop vite contenté des assurances des dirigeants de la télévision, voire des radios. La suite est connue et il n'y a donc qu'à lire les retournements d'avis, aussi timides écrits rien que pour eux-mêmes (nos confrères) comme pour faire pénitence et dans la foulée saisir l'ampleur du décalage entre ce qui a été annoncé et la réalité.Ce n'est pourtant pas faute pour les journalistes notamment de la presse spécialisée et/ou people d'avoir assez de recul pour se souvenir que les mêmes constats critiques ont été faits avec une ponctualité de métronome aux premiers jours de la première décade de tous les Ramadhans passés.Dans la conception qu'il avait de la télévision, du métier de dirigeant, des publics auxquels il destinait sa camelote et à une traversée du désert de ce qui est qualifié dans le jargon professionnel d'audimat, un pape du paysage audiovisuel français avait évoqué pour la première fois le fameux «temps de cerveau disponible» afin de justifier le gavage du public et surtout de faire tomber les ultimes barrières de la morale et de la pudeur à la télévision.Or, du point de vue moral, il n'existe aucune inquiétude à se faire du côté de la télévision algérienne, elle si omniprésente que, bientôt, au risque de ne rien y comprendre compte tenu de la censure, il ne sera plus loisible de suivre sur le petit écran un quelconque film étranger… du moins occidental, asiatique, voire certaines productions arabes. En fait, le temps de cerveau disponible consisterait à bourrer une partie de l'encéphale des téléspectateurs algériens de produits bon marché volant au ras des pâquerettes et/ou en langage décrypté… ineptes, gagas. Tout cela sans doute avec l'idée, même à leur corps défendant, qu'ils y seront réactifs et pour cause de seul exutoire aux dures épreuves de la journée.Du coup, il est reproché à la production nationale une grande indigence, exception faite des caméras cachées et autres émissions consistant à piéger sous n'importe quelle forme le premier quidam, mais aussi les stars du showbiz. Et là un constat s'impose et vient d'ailleurs confirmer une vérité vraie : tout Algérien recèle des dons incontestables et époustouflants de comédien pour peu qu'on le laisse interpréter son propre rôle en le laissant dans… sa peau. C'est-à-dire sans qu'il ait à être techniquement dirigé. Les «silence… on tourne» et le clap, ce ne sera plus son fort. Une fois mis au parfum, il serait capable de jouer comme le font tous les artistes, comédiens et acteurs. Autrement dit comme un pied. Une petite virée dans les cours d'immeubles renvoyant l'écho d'éclats de rire collectif sortant des fenêtres confirme que l'unanimité est générale auprès du téléspectateur même s'il a le rire trop facile et est peu regardant sur la nature et l'intelligence des gags. Par ailleurs, les piégeurs ont du talent, les piégés encore plus et pour cause la spontanéité. Faudrait-il alors, pour la vraisemblance du thème d'un film, se résoudre à le faire sans préciser aux protagonistes qu'ils tournent. Pas facile et surtout pas sérieux.Alors que faire ? Pour nos compatriotes, se contenter de n'avoir que la télévision qu'ils méritent, se dire aussi que la télécommande, comme la lampe d'Aladin, permet d'exaucer des souhaits si terre à terre seraient-ils comme celui d'ailler voir ailleurs si c'est mieux ou sinon faire, et c'est sans doute le meilleur des choix, comme ce que propose un internaute visiblement accro de la ville de Valparaiso qui dit «apaga tu tele, vive tu vida » (éteins ta télé et vis ta vie). Pierre Bourdieu, lui, disait de la télévision qu'elle «a une sorte de monopole de fait sur la formation des cerveaux d'une partie très importante de la population. Or, en mettant l'accent sur les faits divers, en remplissant ce temps rare avec du vide, du rien ou du presque rien, on écarte les informations pertinentes que devrait posséder le citoyen pour exercer ses droits démocratiques.»