Roulant sur les trottoirs, slalomant entre les voitures, empruntant les sens interdits, avec parfois une famille entière juchée dessus, les motos-taxis ajoutent au chaos de Lagos, la mégapole africaine. Le gouvernement tente désormais de réguler la conduite des chauffeurs de ces engins surnommés «okada», dont le nombre est estimé à un million à Lagos et ses environs et qui sont accusés d'être à l'origine de nombreux accidents mortels. De nouvelles règles leur interdisent de transporter les femmes enceintes et les enfants. Ils ne pourront plus prendre les sens interdits et les rues qu'ils pourront utiliser seront largement réduites. Les chauffeurs, qui gagnent péniblement leur vie en transportant des passagers dans des embouteillages légendaires, estiment que les règles vont trop loin. «L'okada est un moyen de survie», affirme Godwin Ekong, l'un d'entre eux. Pour Linus Achagwu, 31 ans, qui a économisé de l'argent pour acheter sa moto en poussant des charrettes, les nouvelles mesures vont faire perdre leur travail à de nombreux chauffeurs. «Si vous les empêchez de faire ça, que vont-ils faire ?» demande-t-il. «J'ai besoin d'argent, la vie est chère à Lagos», ajoute-t-il. Le danger que représentent les motocyclettes est évident pour celui qui tente de traverser un carrefour à Lagos qui rivalise avec Le Caire pour le titre de ville la plus peuplée d'Afrique avec 15 millions d'habitants. Marcher sur les trottoirs est également risqué car ils sont souvent utilisés par les okadas comme des raccourcis. Selon les autorités locales, plus des trois quarts des accidents survenus ces derniers mois ont impliqué des motos. Mais la sécurité routière n'est pas leur seule préoccupation. Selon les autorités, 70% des voleurs utilisent des motos, pillant des voitures ou arrachant l'argent des gens qui sortent des banques. Plus de règles et de restrictions vont permettre de mieux contrôler la situation, estiment-elles. A partir du 1er septembre, les chauffeurs de motos ne seront plus autorisés à transporter des femmes enceintes ou des enfants, ni les mères portant leur enfant sur le dos. Seul un passager sera désormais autorisé. Les lois déjà en vigueur seront appliquées, affirme-t-on officiellement. Ce qui veut dire : plus de conduite en sens interdit. La plupart des grandes artères de la ville seront interdites aux motos. Tout le monde s'interroge dès lors sur la façon d'arriver à temps quelque part en raison du trafic démentiel. Souvent les parents utilisent les motos pour emmener les enfants à l'école, et il est courant de voir cinq personnes agrippées dessus. «Pour les enfants, prendre l'okada pour aller à l'école, c'est un risque», reconnaît Régine Robert, 29 ans. «Mais nous ne pouvons faire autrement, les taxis sont chers», dit-elle, en attendant sur le bord de la route dans le quartier d'Obalende, au point de regroupement des bus et des motos. Les motos grouillent en klaxonnant continuellement, alors que les chauffeurs de bus hèlent les clients et que des vendeurs tentent de placer leurs marchandises. Pour Jonas Agwu, responsable fédéral chargé de la sécurité routière à Lagos, les usagers doivent utiliser les bus de transport en commun. Mais son argument a du mal à convaincre ceux qui passent des heures dans les encombrements et veulent perdre moins de temps. «Je pense qu'un homme en vie peut dire où il va, un homme mort ne le peut pas», insiste M. Agwu. Plusieurs mères, interrogées à Obalende, approuvent l'interdiction du transport des enfants à moto. «Je pense que c'est une bonne idée», dit Rabi Umar, 33 ans, qui porte sur son dos une fillette de 8 mois. «Les écoles devraient avoir des bus», suggère-t-elle.