La machine est bien rodée. Normal, ça fait près de trois semaines que ça tourne. Dès 20h 30, tout est en place et tout le personnel est à son poste, prêt à recevoir les clients sous la kheïma de Hyundaï, qui occupe la moitié de la terrasse de l'hôtel Riad à Sidi Fredj. La kheïma n'en est pas une en réalité. La kheïma est en fait une formule, un concept qui n'a de rapport avec l'habitat des nomades que le nom. Elle a été adoptée et adaptée parce qu'elle a cette touche d'exotisme qui rend et suggère le plus l'ambiance de Ramadhan d'antan : qaada, thé, gâteaux et musique.Sous les dais blancs, moquette, matelas, coussins et tables basses accueillent les premiers groupes. Le personnel est aux petits soins. A peine installés que aâmi Mohamed est là avec sa bouilloire qui fait office de théière. Il vous sert le thé à la manière sahraouie en levant haut la théière pendant qu'il verse le thé chaud dans le verre. Le rock de Cheikh Sidi Bémol chantant son dernier album Paris-Alger-Bouzeguène fait vibrer les enceintes placées de part et d'autre de la petite scène. A une table à côté, pour tromper le temps, un groupe fait une partie de dominos en se passant l'embout d'un narguilé, la chicha comme on l'appelle, la nouvelle touche exotique adoptée par tous depuis quelques années. L'attente se fait longue. Il est 23 heures et toujours rien sur scène. Le public continue à affluer. Les responsables de l'accueil font ce qu'ils peuvent pour caser tout le monde. C'est toujours les DVD qui assurent l'ambiance.Ce n'est qu'à 23 heures passées que les six membres du groupe béchari E'ssed montent sur scène. Un goumbri, une toumba, une batterie, deux karkabous et un mandole. C'est largement suffisant pour donner le ton de la soirée : gnaoui. La troupe commence par un chant de louanges, mais avec un rythme soutenu, h'daoui. Mais ça ne fait pas se lever les danseurs. Les jeunes du public sont en attente. Ils observent et s'imprègnent. Le final sera exclusivement en percussions. Le batteur fait des merveilles avec les contretemps. Le goumbri ne démérite pas. Un bendir prend la place d'un karkabou. On garde le même rythme. Mais cette fois, ça paye. La piste de danse se remplit. Les musiciens maintiennent le tempo. Le heddi est le rythme de danse par excellence, même s'il ne représente pas réellement et intégralement la musique gnaoui, encore moins le style giwan. Le gnaoui a une dimension mystique importante qui s'exprime par une musique aux rythmes lents, ne s'accélérant qu'à la fin du morceau musical. Idem pour le style giwan. On en voudrait pour exemple la fameuse chanson Echemâ. Or, E'ssed ne développe que le côté festif du gnaoui. Même si après trois chansons rythmées, les musiciens ont décidé de baisser la pression, ils ne tarderont pas à revenir au rythme dansant. Les jeunes veulent danser, certes, mais ils sauraient aussi apprécier un bon morceau de bon gnaoui. Le succès de la troupe Ferda, de Béchar, aussi, est là pour le confirmer. Les musiciens de la troupe E'ssed ont des potentialités avérées et peuvent produire de la très bonne musique gnaoui, il faudrait juste qu'ils le veuillent. H. G.