Schématiquement, le cycle du paludisme chez l'homme comporte deux phases : une phase hépatique (dans le foie) sans manifestations cliniques, encore appelée la phase pré-érythrocytaire, et la phase sanguine ou érythrocytaire (érythrocyte = globule rouge), responsable de la pathologie. Un certain nombre de candidats-vaccins sont à l'étude, certains faisant l'objet d'essais cliniques. Le point sur ces recherches avec le professeur Dominique Mazier. Un premier type de vaccin (vaccin préventif, pré-érythrocytaire) agit immédiatement après l'injection de sporozoïtes par le moustique infecté, avant ou pendant son développement dans le foie. L'idée est d'empêcher le parasite d'arriver dans le sang où il est responsable de la maladie, voire de la mort du sujet infecté. D'autres candidats-vaccins sont dirigés contre le parasite dans le sang (vaccin érythrocytaire, prévenant les manifestations cliniques). On cherche soit à tuer le parasite à l'intérieur du globule rouge, soit à protéger contre ses effets délétères (vaccin anti-maladie). On ne détruit pas le parasite, mais on l'empêche d'être dangereux. Ce concept est intéressant car on laisse le parasite chez l'homme où il peut agir comme un «vaccin permanent». Ce vaccin mimerait l'état de prémunition, espèce de paix armée que l'on observe en zone d'endémie palustre : on voit ainsi des enfants de dix ans qui ont des parasites dans le sang et qui vivent très bien. Cette «autoprotection» est très longue à se mettre en place, au prix d'une mortalité importante que ce type de vaccin pourrait diminuer. Un troisième type de vaccin, le vaccin altruiste, ne protège pas l'individu que l'on vaccine, mais il peut protéger en interrompant la transmission du parasite au moustique ou son développement dans cet insecte. Lorsqu'il pique un sujet infecté, le moustique prélève les anticorps que la personne vaccinée a fabriqués, et ces anticorps bloqueront le parasite dans le moustique qui sera ainsi inapte à transmettre l'infection. Parmi les vaccins faisant l'objet d'essais cliniques, le plus avancé est le RTS, S, vaccin pré-érythrocytaire, actuellement en phase III, dernière ligne droite avant une éventuelle mise sur le marché. Des essais sont en cours dans onze sites de sept pays africains. RTS, S est le produit d'une recherche intensive débutée en 1967 avec l'observation que des souris immunisées avec des sporozoïtes irradiés (quand le sporozoïte est irradié, il reste vivant, pénètre dans le foie, mais perd sa capacité à poursuivre son développement hépatique) étaient totalement protégées contre une infection d'épreuve «challenge» avec des parasites vivants. Un même résultat a été obtenu chez l'homme vacciné avec plus de 1 000 piqûres de moustiques infectés. Ces observations ont mené à la recherche des molécules du parasite responsable de cette protection afin de produire des vaccins synthétiques ou recombinants dont le RTS,S est le fruit. L'efficacité du RTS,S est cependant loin d'atteindre celle engendrée par une vaccination avec des sporozoïtes irradiés. Dans le cadre des vaccins pré-érythrocytaires, trois nouveaux concepts sont à l'étude :Le concept «Sanaria» qui reprend l'idée de vacciner avec des parasites entiers irradiés, donc vivants mais atténués. Des essais sont en cours chez l'homme.Le concept de vaccination avec des sporozoïtes entiers vivants atténués par délétion d'un gène capital pour l'infection. Ce type de parasite se comporte en fait comme un sporozoïte irradié : il entre dans le foie où il stoppe son développement.Très récent, le concept de vaccination avec des parasites vivants, non atténués qui seront dans un deuxième temps détruits par des médicaments. Cette approche a d'ores et déjà montré son efficacité chez l'homme. Ces trois stratégies sont évidemment complémentaires. D'une façon générale, la mise au point d'un vaccin but sur la complexité du parasite. Celui-ci adopte au cours de son passage chez l'homme plusieurs formes porteuses d'antigènes différents, et induisant des réponses immunitaires différentes. A cette diversité antigénique s'ajoutent de nombreux gènes qui lui permettent d'avoir des mécanismes d'échappement pouvant faire craindre, à terme, une efficacité moindre des vaccins.Autre point important, même si un vaccin devient disponible, il ne sera qu'un outil parmi d'autres dans la lutte contre le paludisme (utilisation de moustiquaires imprégnées, traitements préventifs (on tue le parasite avant son arrivée dans la sang), et curatifs (on tue le parasite quand il est dans le sang mais ce faisant on empêche la transmission). Ceci sous-entend la poursuite-développement des recherches dans d'autres domaines que les vaccins. D. M. In RFI