De notre correspondant à Constantine Nasser Hannachi Un symposium médical maghrébin se tiendra à Alger (Mazafran) en juin prochain. Il traitera de l'anémie carentielle. Ce qui laisse supposer que cette pathologie continue de sévir dans notre pays et chez nos voisins. La déficience en fer, qu'on appelle anémie ferriprive, est l'une des plus répandues parmi les autres formes d'anémie. C'est du moins ce qui ressort de la structure hospitalière de Constantine. Les causes en sont multiples. Mais la cause la plus courante est l'alimentation : les Algériens mangent déséquilibré. Le fer fait cruellement défaut dans notre nourriture. Soit par omission soit par incapacité de conjuguer des repas en présence de cet atout essentiel au bon fonctionnement des globules rouges. Le fer est abondant dans la nature, mais on le trouve également dans les viandes rouges, et si cet aliment est hors de prix, on peut recourir à d'autres aliments de substitution tels les œufs et les légumes, même si ces derniers ne sont pas aussi riches en fer que la viande. «L'anémie constitue un vrai problème de santé publique au Maghreb et pas seulement en Algérie», explique le professeur Sidi Mansour, chef de service d'hématologie au CHU Benbadis. Ainsi, selon, lui, il est désormais nécessaire de se pencher sur le sujet d'une façon plus réfléchie en vue d'apporter des corrections qui pourront s'imposer en temps opportun. Cela devrait passer en premier lieu par le milieu scolaire, foyer qui jusque-là ne fait que l'objet de consultations «basiques», alors que les spécialistes hématologues prônent des bilans obligatoires de santé. De plus, la prise en charge des femmes enceintes dans les centres de santé primaire et une attention particulière pour les sujets âgés devront occuper une place importante pour réduire le nombre d'anémiques. «Il faut supplémenter la femme enceinte, notamment en fer, dont l'organisme a besoin pour produire de l'hémoglobine et de l'acide folique. C'est une action qu'il faut mener systématiquement chez cette catégorie de personnes. Car, une fois l'anémie installée, le recours à la thérapie de base ne suffit pas. La transfusion, qui revient plus chère à l'Etat, est inévitable pour sauver des vies», explique notre interlocuteur. Qu'est-ce que l'anémie ? «C'est la modification hématologique la plus fréquente. On la découvre par un examen biologique hémogramme ou la formule de numération sanguine FNS. On la définit à partir du nombre des globules rouges dans le sang. Néanmoins, un bon médecin doit savoir interpréter l'hémogramme correctement. Il y a parfois des lacunes chez les professionnels. L'anémie se manifeste notamment par un taux insuffisant d'hémoglobine dans le sang. Au-dessous de 13 g par 100 ml, l'adulte en est atteint. Chez la femme et l'enfant, les quantités caractéristiques sont respectivement de l'ordre de 12 g et de 14 g dans le même volume. Il arrive parfois que l'on dispose d'un nombre suffisant de globules rouges alors que le sujet est anémique, en raison d'un taux bas d'hémoglobine», répondra le professeur Sidi Mansour. En outre, le médecin devrait pousser les examens afin de dépister les symptômes complets auxquels il doit trouver des réponses. Fatigabilité, pâleur, essoufflement à l'effort sont parmi les signes précurseurs de la pathologie qu'on peut déceler avec un bon examen clinique. «La première cause de l'anémie chez l'homme demeure le saignement, suite à la présence d'hémorroïdes, de calculs dans les voies urinaires, d'un problème digestif ; quant à la femme, les facteurs en sont les fibromes utérins et des règles hémorragiques. Dans ce dernier cas, le médecin doit la recommander à un gynécologue pour une meilleure prise en charge», dira le chef de service, qui poursuivra : «Nous constatons également que les causes sont liées aux carences d'apport. A titre d'exemple, la femme enceinte de deux trimestres doit se doper en suppléments. Les globules rouges ont besoin de beaucoup de fer, d'acide folique et de vitamine B12.» Sur un autre plan, il faut dire que la mauvaise alimentation ou les repas déséquilibrés pris dans les fast food (sandwichs et autres aliments de restauration rapide) favorisent l'apparition des premiers symptômes de l'anémie. Si sous d'autres cieux «la supplémentation préventive» se fait à l'insu de la population, pour veiller à sa bonne santé, grâce à des ajouts de vitamines et de sels minéraux dans les produits nutritifs de base comme le blé et le lait, notre pays n'en est pas encore là, loin s'en faut. Toutefois, ce décalage pourrait être compensé par des campagnes de sensibilisation et de travail de proximité pour indiquer aux citoyens les régimes alimentaires adéquats et répertorier les personnes souffrant d'anémie avant que la pathologie prenne le dessus. A cet effet, le professeur Sidi Mansour estimera que le rôle de la DSP est plus que nécessaire pour minimiser de 50% le taux des consultations. «Les différentes directions de wilaya de la santé sont appelées à donner des directives claires quant à la nécessité, par exemple, d'imposer aux femmes enceintes de faire des analyses FNS tous les six mois, ou encore obliger la médecine scolaire à faire des dépistages et des investigations, en élaborant périodiquement des bilans aux élèves, sans oublier les personnes âgées, trois catégories fragiles au sein de la population», dira le professeur. La qualité des repas dans les cantines scolaires et l'examen médical pré-embauche sont aussi deux phases importantes pour prémunir l'anémie sévère, ajoutera-t-il, avant de conclure, au sujet de la thérapeutique : «La médication de l'anémie est aussi simple avant que la pathologie ne se soit installée confortablement. Les suppléments à base de fer, d'acide folique et de vitamine B12 peuvent suffire. Dans le cas contraire, la transfusion reste le moyen unique en matière de prise en charge.» Par ailleurs, il faut savoir que l'anomalie héréditaire de l'hémoglobine, l'hémoglobinopathie, affecte le pourtour méditerranéen. A l'est de l'Algérie, les wilayas qui sont touchées sont Annaba, Azzaba et Skikda. L'âge de survie des personnes affectées ne peut, malheureusement, dépasser l'adolescence. Sans perspective thérapeutique anténatale et en l'absence d'un traitement efficace, tout au moins pour le moment, la durée de vie des malades est limitée.