Si les définitions données à la culture sont très nombreuses, élastiques et fortement contrastées, il n'en demeure pas moins que le concept recouvre toutes les dimensions de l'activité des êtres humains. En Algérie, la politique culturelle, les activités, les dépenses, et même la réflexion là où elle existe, tournent essentiellement autour du fameux «bilan d'activités». Ce dernier reconduit à chaque exercice, aligne des additions d'activités classiques et basiques, du niveau d'une simple association d'une petite ville en Europe. L'addition en question porte sur le nombre de pièces de théâtre jouées, de galas organisés au cours de l'année sur des fonds publics, de manifestations officielles financées par l'Etat, de Salons du livre, etc. Dans une sphère réduite à un seul diffuseur de télévision, à un théâtre subventionné, les petites entreprises privées ne peuvent vivre qu'avec des subsides publics. La mécanique, d'un champ réduit et administré bloque l'apparition de PME/PMI susceptibles de vivre de productions culturelles qui trouvent des espaces adéquats (salles de cinéma, maisons de la culture communales, structures dans les lycées, les universités, les crèches, etc.). Concentré dans quelques grands centres urbains, généralement entretenus par le Trésor public, salariés y compris, le rétrécissement physique marginalise sur la durée la culture, son attrait, son impact pédagogique et civique qui ne touche même pas les élites, lesquelles se réfugient entre elles ou se contentent de programmes satellitaires déversés à la tonne. Cependant, le grand exclu de la culture, là où justement il y a une densité humaine majoritaire, reste l'entreprise. Celle-ci consomme de la force de travail physique et intellectuelle, délivre des salaires, et c'est tout. Or, l'entreprise est un émetteur culturel. Elle fabrique des biens et services destinés à la consommation courante ou très élaborée, mais elle distille aussi des éléments et des liants constitutifs d'une culture très vivante. Cette culture travaille, selon le niveau technologique de l'entreprise, les conditions mêmes de production, d'un vivre ensemble des heures durant par jour et sur une vie active. Le savoir-faire, la «digestion» de technologies, du fonctionnement de machines, de logiciels, d'une organisation rationnelle du travail. L'entreprise peut, selon sa spécialisation, produire des œuvres écrites, audiovisuelles, des images de synthèse, de la musique, des costumes, des décors. Tous ces produits constituent une mémoire de l'entreprise, collective, qui s'inscrit de fait dans une culture nationale, toujours vivante et visible. La problématique, universelle, est posée. Comment valoriser les pratiques culturelles au sein de l'entreprise, à commencer par celle d'un vivre ensemble à l'intérieur d'une entité humaine. Les cadres dirigeants, les exécutants, les techniciens supérieurs ou subalternes cohabitent pour produire des biens et des services rentables et utiles. L'implication des propriétaires et des syndicats pour une vie culturelle, pour des loisirs partagés (veillées de Ramadhan, fêtes, anniversaires, ciné-clubs, troupes de théâtre, orchestres d'entreprise, ateliers de création, poésie) est évidente pour une vie meilleure et une entente au sein d'une usine ou d'une entreprise quelconque. En fait, il s'agit de «maturer» une entreprise à hauteur de ce siècle. A. B