De notre correspondant à Constantine Nasser Hannachi Hormis les manifestations à rang de festival institutionnalisé (maalouf, théâtre, jazz) et une petite lucarne pour le cinéma qui s'est ouverte le printemps dernier à l'initiative d'une association active et qui a permis la projection de quelques longs métrages de qualité, la ville des Ponts ne présente aucune visée excentrée en matière d'événements s'inscrivant dans la pérennité ni même improvisés. Les exceptionnels événements s'apparentent à l'envol d'une hirondelle, un coup d'épée dans l'eau. Pis, souvent, ils n'enregistrent qu'un faible écho. Les pouvoirs publics leur tournent le dos.Le sort des manifestations culturelles et/ou artistiques initiées par des organisateurs privés, autrement dit extra-officielles, semble avoir été scellé. Elles sont de plus en plus rares. Les acteurs privés ont-ils donc bouclé la boucle et épuisé leurs réserves d'idées et de projets ? Ou est-ce l'abondance, fort relative, des programmes relevant des organismes publics qui aurait eu raison de l'engouement chez cette frange autonome et freiné leurs élans ? A moins que ce ne soit le peu d'intérêt qu'accordent les autorités locales et les responsables de la culture aux initiatives indépendantes qui aurait fini par leur faire comprendre qu'ils n'étaient pas les bienvenus sur la scène culturelle, qu'ils étaient de trop et que s'ils voulaient faire quelque chose, ils n'avaient qu'à se débrouiller tout seuls comme ils peuvent et avec ce qu'ils ont.Ces trois questions constituent la trame de la problématique de l'appauvrissement culturel que connaît Constantine. Quant aux réponses, explications et interprétations, elles sont multiples et diverses, selon l'acteur qui s'exprimerait.Pour les responsables locaux du secteur, cette vacuité s'explique en partie par «l'infertilité» du mouvement associatif touffu et inutile. La plupart des associations ô combien nombreuses, mais peu efficaces, sont inscrites aux abonnés absents, soutiennent différents responsables. A ce manque s'ajoute le manque de professionnalisme dans bon nombre d'initiatives individuelles qui souvent sont incapables d'élaborer et de ficeler un projet mûr et à forte audience. Sinon comment expliquer toute cette gamme d'événements tracée majoritairement - pour ne pas dire intégralement - par les pouvoirs publics avec parfois le concours «symbolique» d'une association ? Le dernier exemple en date est intervenu lors du mois de Ramadhan dernier. Point de place pour une œuvre qui n'a pas de lien direct avec le planning administratif. La faute étant imputée aux acteurs et artisans des associations répertoriées à travers la circonscription et plongés dans une profonde léthargie.De nombreux responsables d'associations rétorquent que le mouvement associatif ne s'est pas éteint mais qu'il a été mis en veilleuse, marginalisé. Les associations n'ont pas baissé les bras, on les leur a coupés et les pieds avec. Ces responsables jettent la pierre aux différents responsables en affirmant que les dés étaient pipés. Ce qui laisse aux bonnes volontés et aux acteurs entreprenants peu de chances pour s'exprimer. «Le projet gagnant», aussi intéressant soit-il, devrait répondre à certains critères et s'inscrire dans un cadre préétabli pour que son initiateur ait une chance d'avoir une place sur la scène. Rien n'est sûr, car il faut courir, faire antichambre dans les différents bureaux pour espérer arracher de probables aides ou sponsors. Evidemment, l'idéal serait d'avoir ses entrées.A l'ère du marketing culturel, le passe-droit est toujours en vigueur et ceux qui croient pouvoir réussir le pari de faire aboutir un projet culturel digne de ce nom, sans devoir auparavant montrer patte blanche, risquent fort de déchanter et de se casser les dents sur les écueils que l'administration alignera sur leur passage. Du côté du public, on remarque aussi que la population a mûri et qu'on ne peut pas toujours lui faire avaler n'importe quoi. Il est des spectacles en accès libre qui sont restés orphelins en spectateurs. Un véritable gâchis occasionné par de mauvaises orientations. Une défaillance qui appelle à dresser des bilans pour répartir aides et budgets sur des bases solides tenant compte des attentes de la société. Mais il semble qu'on ne fasse pas cas de ces règles. On finance et on débourse l'argent du Trésor sans trop se soucier de l'impact…Dans ce contexte, d'aucuns estiment à Cirta que les moyens demeurent au dessus des aspirations. Un fait conforté par le témoignage d'un ex-directeur de la culture : «De mémoire d'homme, jamais le ministère de la Culture n'aura épaulé le secteur par de telles sommes…», affirmera-t-il. Pourtant, ces aides ne profitent pas souvent aux artistes, comédiens; notamment amateurs ou autodidactes «éclipsés». Toutefois, admettons que la ville des Ponts cumule tant d'activités dont la majorité reste inexploitée. A cet effet, expliquera un cadre de la Direction de la culture, «on sollicite souvent des associations pour présenter des idées de projets convenables pour exécuter un éventuel programme. Le plus souvent ce sont des remakes qu'elles nous proposent. On ne veut pas du bourrage, au détriment de la qualité».Mais cela n'exclut pas que souvent l'herbe a été coupée sous le pied de quelques acteurs qui avaient voulu faire cavalier seul sans passer par ce circuit administratif qui distribue les aides financières, qui exige donc d'être consensuel. Et lorsque ça marche, c'est la récupération qui se pointe, témoignent des organisateurs d'événements qui sont passés sous la coupe de la tutelle. Est-il important de rappeler la volonté du ministère d'avoir prise sur toutes les activités artistiques à large «consommation», notamment les festivals institutionnalisés. Par crainte de dilapidation ou par professionnalisme, le département de Khalida Toumi subventionne beaucoup et veille au grain…Si l'on mettait en exergue l'implication directe des pouvoirs publics locaux à soutenir de telles manifestations, il faut se rendre à l'évidence : l'intention dans ces aides est aussi dictée par la centrale. L'institutionnalisation gagne du terrain et récupère tous les événements artistiques assez mûrs. Les autres mourront de leur belle mort.