De notre correspondant à Tizi Ouzou Lakhdar Siad Invoquant des travaux d'extension qui ne seraient pas conformes aux normes d'urbanisme, le wali de Tizi Ouzou a menacé de démolir, dans les jours à venir, l'église protestante de Tizi Ouzou, la plus ancienne au niveau du chef-lieu de wilaya, affiliée à l'Eglise protestante d'Algérie (EPA). Les autorités locales sont désignées comme étant les responsables directs de la situation critique que vit cette institution religieuse dans la wilaya de Tizi Ouzou, qui vient de sortir d'une réserve qui aura duré plusieurs années malgré des pressions et des agressions multiples de toutes parts émanant d'agents de l'Etat et de groupes de jeunes désœuvrés à la dérive. «L'église de Tizi Ouzou, affiliée à l'Eglise protestante d'Algérie (EPA), vient d'être la cible d'une nouvelle menace aussi brutale qu'injustifiée. Sur ordre du wali en date du 30 octobre 2010, la police vient de nous notifier une mise en demeure d'arrêter les travaux immédiatement et de procéder à la démolition des travaux engagés […]. Si dans un délai de huit jours vous n'avez pas obtempéré à cette mise en demeure, l'arrêt de démolition sera dûment exécuté», lit-on dans une déclaration des pasteurs de l'église en question transmise hier matin à la presse.Tout en reconnaissant un début de chantier sur l'ancien site même de l'église, cette dernière justifie cette prolongation par son devoir de protéger ses «fidèles» et d'«assurer la protection de ce lieu de culte et la sécurité des membres de la communauté contre les agressions récurrentes car, continue-t-elle, depuis une dizaine d'années, pierres, débris de verre, bouteilles et barres de fer sont jetés contre les fidèles par des délinquants clairement identifiés, mais qui continuent de jouir d'une curieuse impunité ; les requêtes auprès des autorités locales et les plaintes auprès de la police sont restées sans suite». L'église protestante de Tizi Ouzou cite les graves incidents qui se sont déroulés dans l'enceinte de l'église Thafath, à la cité Bekkar du chef-lieu de wilaya de Tizi Ouzou, pour expliquer son choix des travaux d'extension du lieu de culte et mettre le doigt sur le silence des autorités administratives et sécuritaires de la région. «En janvier 2010, suite à l'expédition punitive contre un autre lieu de culte, l'église Thafath, saccagée avant d'être incendiée, nous avions sollicité une protection policière pour sécuriser le site, au moins les jours de culte. Malgré le risque bien réel qui pèse encore sur les membres de notre communauté, le wali nous avait opposé une fin de non-recevoir», écrit encore l'EPA qui ne met pas de gants pour s'attaquer au wali de Tizi Ouzou qu'elle accuse de tous les maux qu'elle subit. «Cette attitude discriminatoire n'est motivée que par un seul argument : notre foi chrétienne. Des fonctionnaires et même des magistrats, qui assument l'intolérance au mépris de la légalité, n'ont-ils pas ‘‘conseillé'' à ceux d'entre nous qui revendiquaient le droit de donner des noms bibliques à leurs enfants de ‘‘changer de pays'' ?», témoigne l'EPA, qui regrette ces faits qui seraient contraires à la loi. «Nous déplorons cette attitude discriminatoire des autorités locales et ces vexations répétées qui violent les lois de la République et les libertés, notamment la liberté de conscience et de culte garantie par la Constitution.» L'église lance un «appel solennel aux autorités supérieures de l'Etat pour mettre un terme à ces dérives et faire respecter le principe d'égalité des citoyens devant la loi», lit-on dans la déclaration qui termine par des mots de «gratitude fraternelle» à l'endroit de «nos concitoyens musulmans et à tous ceux qui nous ont soutenus dans les épreuves multiples que nous traversons».La déclaration de l'EPA intervient dans une conjoncture locale marquée de procès intentés à des non-jeûneurs pris en «flagrant délit d'atteintes aux préceptes de l'islam» dans plusieurs localités de la région de Kabylie, notamment à Aïn El Hammam, en Haute Kabylie, et à Ighzer Amokrane, dans la vallée de la Soummam. Parmi ces «victimes» figureraient des chrétiens qui revendiquent leur droit à l'exercice du culte de leur choix en toute liberté et en tout lieu sur tout le territoire du pays. Des actions populaires de soutien et de solidarité en faveur de ces personnes ont été organisées devant les tribunaux à chacune de leur comparution devant le juge. La menace du wali de Tizi Ouzou contre l'église protestante de Tizi Ouzou est-elle, par ailleurs, une réplique de la longue et épisodique confrontation médiatique organisée autour de la construction problématique d'une deuxième mosquée au village d'Aghribs, à une trentaine de kilomètres à l'est de Tizi Ouzou ?