Hier matin, aux environs de 5 heures, les services de la wilaya d'Alger avaient déjà fini de mettre dans leurs camions les affaires des 101 familles du bidonville El Aloui, dans la commune d'El Madania, concernées par une nouvelle opération de relogement à Alger. Destination : Birtouta, juste à l'entrée de cette commune de l'ouest d'Alger où des centaines d'autres familles habitant des bidonvilles étaient déjà installées. Le site est bien accueillant avec des espaces aménagés pour enfants et personnes âgées. Les appartements aussi, des F3 et des F2, soutiennent les familles bénéficiaires, sont assez spacieux et bien aérés. «C'est le paradis», «Merci Dieu», «Nous remercions vivement les autorités publiques», «C'est enfin la délivrance. Qui aurait cru qu'un jour, nous aurions un appartement avec deux chambres, le gaz de ville, le chauffe-bain et même un interphone ?» «C'est un F2 mais c'est déjà quelque chose», entend-on dire des hommes et des femmes, satisfaits de leurs nouvelles habitations. La joie est toutefois silencieuse. Mis à part les youyous et les cris des enfants, les visages étaient pâles, crispés. Comme si les bénéficiaires ne croyaient pas au «miracle». C'est peut-être aussi des signes de fatigue puisqu'ils n'avaient pas dormi toute la nuit. «Les services de la wilaya d'Alger étaient dans le bidonville à 17 heures hier (lundi)» raconte un habitant. Un autre affirme être inquiet pour sa mère : «zElle n'a pas eu droit au logement. Elle est donc restée avec mon frère et mes sœurs. Elle est cardiaque et je crains pour sa santé.» En effet, comme nous avons pu le constater au niveau du bidonville El Aloui, près d'une dizaine de familles étaient encore là. Les traits tirés par la fatigue, la colère et l'incertitude. «Nous n'avons pas où aller. Nous ne pouvons pas vivre à 12 (personnes) dans un F3», lance une jeune femme, 25 ans environ. Une autre, tenant son fils dans ses bras, affirme son angoisse : «Je suis ici depuis 2005. Je n'ai pas où aller avec mon mari et mes deux enfants.» Des riverains témoignent qu'une autre famille, y habitant depuis plus de 15 ans, n'a pas eu son logement. «C'est injuste. Ils ont relogé des gens qui sont arrivés ici en 2007, 2008, 2009 et ils ont abandonné les plus anciens. Certains ne sont venus qu'il y a deux mois et ont eu droit à des F3», regrettent d'autres. La vie dans le bidonville n'est pas de tout repos. Les habitations sont construites de manière anarchique, au milieu d'ordures et d'odeurs nauséabondes. «Certaines personnes supportent cela, ce n'est pas un problème pour elles. Peu importe le moyen et le prix, l'essentiel est d'arriver à leurs fins. Avoir un logement». «Il semble que c'est le moyen le mieux indiqué pour avoir un logement à Alger. Ils viennent d'ailleurs, d'autres wilayas du pays, certains même de Tunisie et peut-être même d'autres pays. Ils installent des baraques et obtiennent des logements qu'ils vendent ou louent parfois. C'est un vrai cercle vicieux…Nous, nous n'osons pas faire cela», lancent des habitants d'El Madania, ayant assisté à la fois avec satisfaction et indignation à l'opération. «C'est voulu. Les maires sont complices. Les responsables de la wilaya d'Alger sont complices. Tout l'Etat est complice», s'écrie un autre. Tout près du bidonville, deux hommes crient leur colère : «Regardez les dégâts qu'ils ont causés au mur mitoyen. Ils démolissent sans regarder autour et partent sans même demander des excuses ! Qu'allons-nous faire maintenant ? Toute la maison est menacée». K. M.