à un mois du sommet de Nagoya (Japon) sur la protection de la biodiversité, la session extraordinaire sur la biodiversité organisée par les Nations unies, le 22 septembre dernier à New York, a confirmé les tensions entre pays en développement et pays industrialisés, rapporte le quotidien français le Monde dans son édition d'hier. Le vice-premier ministre du Yemen, Abdulkarim Al-Arhabi qui s'exprimait au nom du G-77 et de la Chine, a rappelé l'importance de cette négociation pour les pays en développement : «Ce sont les plus pauvres qui souffrent le plus de l'érosion de la biodiversité car ils sont au quotidien les plus dépendants des ressources naturelles.» A Nagoya, les 193 pays membres de la convention sur la diversité biologique doivent s'accorder sur une nouvelle stratégie alors que l'objectif de ralentir la destruction des écosystèmes d'ici à 2010 n'a pas été atteint. «Le déclin global de la biodiversité s'accélère, a déclaré le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon. La raison en est simple : les activités humaines.» Les Etats doivent trouver un compromis sur la répartition des bénéfices que les entreprises de la cosmétique ou de la pharmacie tirent de l'utilisation des ressources génétiques. Enfin, pour adopter des plans de protection naturelle, les pays du Sud exigent un soutien financier des pays du Nord.«Ces trois sujets sont indissociables», dit M. Al-Arhabi. La ministre brésilienne de l'environnement, Izabella Teixeira a tenu le même discours, en reconnaissant qu'«on est assez loin d'un accord». La veille, un dîner informel réunissant les principaux ministres de l'Environnement avait été organisé pour tenter de déminer les points de conflit. Sans succès.Cette négociation sur l'avenir de la biodiversité se déroule à l'écart des projecteurs. Les scientifiques ont beau alerter sur la crise qui menace les écosystèmes, le sujet n'est pas remonté en haut de l'agenda politique des gouvernements, alors que 2010 est l'année de la biodiversité. La secrétaire d'Etat française à l'écologie, Chantal Jouanno, présente à New York, a une explication : «Nous proclamons l'urgence mais la réalité, c'est que personne n'y croit. Personne ne pense que la disparition des grands singes changera la face du monde.» Les pays du Sud considèrent en tout cas que la protection de la nature ne doit pas contrarier leur développement et que le «pillage» de leurs ressources doit maintenant être rétribué.Ces positions d'inconciliable confrontation entre le Nord et le Sud nous rappellent celles qui ont mené à l'échec du sommet de Copenhague. L'objectif de mettre fin aux menaces contre la biodiversité pour mettre un terme à l'extinction des espèces animales et végétales d'ici 2020 que les pays du monde entier réunis à New York prétendent atteindre est tout simplement jugé inaccessible par de nombreux experts et scientifiques. Le monde n'est déjà pas parvenu à respecter un objectif fixé en 2002 d'une «baisse significative» des extinctions d'espèces d'ici 2010. «Les pertes en matière de biodiversité s'accélèrent», relève ainsi Anne Larigauderie, directrice exécutive de Diversitas, organisation basée à Paris regroupant des spécialistes mondiaux de la biodiversité. Diversitas juge que l'objectif inscrit dans un projet de document de l'ONU est inaccessible d'ici 2020.Des progrès ont pourtant été effectués depuis 2002, notamment en matière d'extension des zones naturelles protégées.Des études de l'ONU montrent toutefois que les taux d'extinction actuels sont un millier de fois supérieurs à ceux déduits des fossiles, ce qui représente la plus grave menace depuis la disparition des dinosaures il y a 65 millions d'années. Pour Anne Larigauderie, les experts scientifiques ont été largement tenus à l'écart de la définition des nouveaux objectifs.Dans un projet de document stratégique pour 2020 censé être adopté en octobre prochain au Japon, l'ONU réclame une «action efficace et urgente», soit pour «mettre fin aux pertes en matière de biodiversité d'ici 2020» soit pour «progresser vers la fin des pertes en matière de biodiversité» sans date butoir.«Notre objectif doit être de mettre fin aux pertes en matière de biodiversité», souligne Achim Steiner, directeur exécutif du Programme des Nations unies pour l'environnement. «Pouvons-nous d'ores et déjà nous mettre d'accord sur des objectifs et un calendrier nous amenant vers cet objectif en une décennie ? Ce sera une tâche immense», explique-t-il à Reuters. Au-delà de l'objectif général pour 2020, le projet de document de l'ONU fixe des buts plus précis, comme la possibilité de «mettre fin à la surexploitation des ressources halieutiques» ou une «réduction de moitié» de la déforestation d'ici 2020. La croissance de la population humaine, le développement des villes, la pollution ou le changement climatique sont autant de facteurs qui compliquent la préservation de la biodiversité, nécessaire au maintien de la chaîne alimentaire, de la pollinisation ou encore des récifs coralliens où se développent de nombreuses espèces de poissons.Pour Greenpeace, le monde doit se fixer les objectifs les plus stricts possibles pour 2020.«Nous sommes favorables à la fin des pertes en matière de biodiversité d'ici 2020», dit Nathalie Rey, membre de l'organisation écologiste. «Nous sommes à la croisée des chemins, près du point de non-retour. Il faut rester ambitieux.»Une étude de l'ONU, publiée cette année, prévient que le monde risque de parvenir à des points de basculement définitif en matière d'assèchement de la forêt amazonienne ou d'acidification des mers en raison du changement climatique. Les défis sont là, les risques aussi, et la manière d'y faire face est connue, comme les moyens nécessaires pour le faire, mais rien n'est fait, ou presque. Si pays riches et pays voulant le devenir se font face sans pourvoir trouver un terrain commun d'entente c'est bien parce que les premiers tiennent à leurs richesses qu'ils tirent des deuxièmes et que ces derniers veulent justement mettre un terme à ce déséquilibre. Et dans ce bras de force, la terre passe au second plan, comme source de richesses à exploiter pour mettre fin à ce déséquilibre Nord, Sud…Sciemment, on scie la branche sur laquelle on est assis R. C.