Photo :S. Zoheir De notre correspondant à Oran Mohamed Ouanezar Il y a deux mois à peine, les services du commerce de la wilaya ont fait une annonce époustouflante en évoquant le nombre de sociétés qui ne se conforment plus aux normes et conditions d'exercice des activités économiques et commerciales dans la capitale de l'Ouest. A l'expiration des délais réglementaires pour le dépôt des comptes sociaux conformément aux dispositions légales en vigueur, elles étaient plus de 1 400 sociétés, tous types confondus, à avoir failli à cette obligation réglementaire. Du coup, ce sont 1 400 entreprises qui sont sous le coup d'une mesure de radiation définitive du registre du commerce, sans compter les pénalités qui peuvent atteindre les 300 000 DA. Les fraudeurs seront également exclus du bénéfice d'avantages fiscaux et autres. Une telle annonce illustre l'état des pratiques commerciales qui ont la peau dure. Les dispositifs et les mécanismes n'arrivent plus à endiguer ce mal gangrenant. Que dire alors du commerce informel qui envahit de plus en plus, la wilaya d'Oran ? Les étals sauvages s'accumulent de manière ostentatoire et très anarchique, sur les trottoirs, à même la chaussée, devant les immeubles, dans les souks, donnant de la capitale de l'Ouest une image peu honorable. Après un début de campagne de lutte contre ce phénomène désastreux, le commerce informel reprend de plus en plus fort au grand dam d'un ordre social indispensable. Depuis quelques années déjà, les pouvoirs publics ont tenté quelques approches, mais sans grande efficacité sur le terrain. La lutte contre le commerce informel exige la mise en place d'une stratégie nationale mûrement réfléchie. C'est la conclusion qui se dégage de toutes les opérations et des tentatives d'endiguer ou freiner un tant soit peu ce fléau social et économique inquiétant. Cela au détriment des commerçants exerçant dans la légalité mais tentés par ces pratiques faciles et très lucratives. «Moi, j'ai un bail de location à payer, des charges également, comme l'électricité, le salaire des deux travailleurs, les impôts et autres contributions. A ce rythme, je ne pourrais pas continuer comme cela. Regardez, ils sont devant mes locaux, ils vendent la même marchandise à des prix moins élevés. A votre avis, combien de temps je vais m'accrocher. J'ai saisi toutes les parties concernées, personne ne veut rien faire. C'est un problème national, m'a-t-on répondu», note B. Habib, commerçant à Mdina Jdida où le commerce informel est très florissant. Au demeurant, ces activités informelles qui exercent une pression déloyale sur les commerces de la ville risquent de créer une situation belliqueuse dans le secteur. Les marchés informels en vogue et en constante évolution Selon la Direction de contrôle des prix (DCP), les marchés informels sont en constante prolifération et évoluent dans le tissu urbain de la ville atteignant plus de 50 unités contre une trentaine, plus ou moins réglementés et se trouvant dans des états lamentables et de vétusté avancée. Il existe également à Oran plusieurs marchés et souks hebdomadaires où le trabendo est florissant et très lucratif. Une telle situation est le fruit inéluctable du fort taux de chômage qui prend en otages des milliers de jeunes et qui exerce une pression importante sur la wilaya. Les activités d'importation tous azimuts sont également à l'origine de ce désastre économique. Le mal se situe, en fait, en aval des activités du «trabendo» qui reste alimenté par l'importation. Les acteurs de ce commerce informel (les jeunes) représentent un potentiel commerçant et d'entrepreneuriat très efficace qu'il serait bon de saisir. Les confrontations meurtrières ayant marqué les tentatives de déloger certains occupants illégaux de sites commerciaux et autres semblent avoir dissuadé les pouvoirs publics de remédier à cette situation. Un véritable dilemme : comment concilier le souci de lutter contre le chômage et réduire la misère sociale, et la préservation de l'économie nationale des atteintes multiples et préjudiciables ? Il y a lieu de rappeler que le nombre de commerces illicites recensés de 1997 à 2000 est de 10 000. Selon des statistiques datant de quelques années à peine, les fruits et légumes occupent la première place du commerce informel avec 30%, suivis du des matériaux de construction (20%), de l'habillement (20%), de l'alimentation générale (15%) et des produits cosmétiques avec 10%. Selon un rapport d'enquête établi par les services de la DCP, qui a pris en considération la tranche d'âge des 1 305 commerçants informels recensés dans la daïra d'Oran, l'âge moyen des personnes exerçant dans le commerce informel tourne autour de 15 à 30 ans. Ces commerces sont situés dans les souks populaires, comme Mdina Jdida qui s'étend sur plus de 800 m⊃2; et englobant quelque 400 commerçants, les marchés de la Bastille et les Aurès (130), El Hamri (100), Eckmühl (90), Haï Ibn Sina (50) et Hai Daya avec 50 commerçants. Dans ce contexte, il faut relever le cri de détresse des quelque 300 boulangers qui se font parasiter par le commerce informel du pain traditionnel. Certains ont été contraints de baisser rideau faute de prise en charge sérieuse de leur situation. La spéculation et l'absence de contrôles rigoureux au niveau des importations ont occasionné des dégâts importants à l'économie nationale. C'est le cas, à titre d'exemple, de l'affaire des 20 tonnes de pommes avariées saisies dans des entrepôts à Sidi El Bachir et qui a permis de mettre au jour un vaste réseau de spéculation. Dans ce contexte, le rapport élaboré par les services de la répression des fraudes et des enquêtes économiques a eu le mérite de démontrer l'ampleur de l'évasion fiscale et des réseaux d'import/import avec un chiffre d'affaires dissimulé estimé à plus de 35 milliards de dinars. L'enquête a dévoilé que plus de 1 150 sur les 2 633 importateurs inscrits au Centre national du registre du commerce activent sur le territoire de la wilaya sans adresse avec des registres du commerce loués chez des tiers. C'est dire l'ampleur de la besogne qui attend les pouvoirs publics.