Photo : Riad Par Faouzia Ababsa «J'ai honte de dire que je suis député.» Cet élu qui nous en a fait la confidence, dans une discussion à bâtons rompus en attendant la reprise des travaux de la plénière, il y a quelques jours, ne croit pas si bien dire. Une confidence qui n'est pas celle d'un élu de l'opposition, mais de la majorité parlementaire et de l'alliance présidentielle. Notre interlocuteur nous explique que le rôle du député se limite malheureusement à lever la main pour entériner tout ce qui vient de l'Exécutif. Il n'a pas caché, à juste titre, le dilemme que rencontrent par ailleurs beaucoup de ses collègues de même obédience politique et qui réside dans l'impérative discipline partisane et l'intime conviction ou encore la personnalité même du député.En effet, nous l'aurons remarqué durant les différentes législatures, il s'est trouvé des députés qui refusaient d'adopter la position de leur parti par rapport à une loi donnée, estimant que cela va à l'encontre des intérêts de la population. La seule solution qu'ils ont trouvée, c'est de ne pas prendre part au vote lors du passage du texte aux voix. Ils ne donnent pas non plus procuration à leurs collègues du même groupe parlementaire pour voter à leur place. A propos de procurations justement, nous avons à maintes reprises constaté que beaucoup sont signées à la place du député. Surtout s'il s'agit de quelqu'un qui s'absente souvent. Une seule voix peut faire la différence lors d'un vote pour l'adoption ou le rejet d'un texte. Par ailleurs, tout le monde a tiré la conclusion que cette législature est d'une particularité exceptionnelle. C'est la plus médiocre et la plus morose. Elle a excellé par l'hibernation, même si la faute incombe fondamentalement à l'Exécutif. C'est comme si cela arrangeait les élus de la nation qui, hormis certains d'entre eux, ne voient pas l'utilité d'exercer leurs prérogatives, même très limitées. A l'image des propositions de lois partant du principe qu'elles vont croupir dans les tiroirs du 5ème étage de l'édifice Zighoud-Youcef. Toutefois, ils ne font rien pour exiger du bureau de l'APN de respecter le règlement intérieur et la loi régissant les relations entre le Parlement et le gouvernement. Lesquels sont clairs en matière du cheminement d'une proposition de loi. Ils laissent faire le bureau de l'APN, dont le président estime, c'est lui-même qui l'a déclaré sur les ondes de la radio nationale, qu'il n'est pas nécessaire de présenter une proposition de loi sur tel ou tel sujet dès lors que le gouvernement est en passe d'élaborer la même ou qu'il a l'intention de légiférer sur le même contenu. Ainsi, on refuse au député l'exercice de ses prérogatives sous prétexte de concrétisation d'une simple intention de l'Exécutif. Le mépris de certains membres du gouvernement envers les élus de la nation n'est pas en reste dans la léthargie qui a gagné la chambre basse du Parlement, en ce sens que quelques-uns d'entre eux mettent les questions qui leur sont transmises sous le coude jusqu'à ce que l'actualité les «tue» ou alors ils ne daignent même pas se présenter à l'hémicycle, préférant déléguer le ministre chargé des relations avec le Parlement pour lire la réponse préparée par les collaborateurs. Il faut signaler également que les locataires de la chambre basse du Parlement sont souvent déconnectés des préoccupations majeures des citoyens. On ne les a pas vu exiger des commissions d'enquête pour faire la lumière sur les éternelles émeutes qui éclatent un peu partout dans le pays. Ils se contentent de «missions d'information», dont on ne connaît pas les résultats, à l'image de celle qui a été dépêchée à Ghardaïa à l'occasion des événements de Berriane.Le mépris dont se plaignent les députés ne vient pas seulement de l'Exécutif, mais aussi des autorités locales de la circonscription de l'élu. Celui-ci se voit rabroué par le wali, le chef de daïra ou encore le maire. «Vous pouvez demander audience au président de la République et non au maire», nous dira un député qui vient de l'intérieur du pays. «Il est plus important que le premier magistrat du pays.» «Comment voulez-vous que le député qui veut réellement remplir son mandat, et non tourner le dos à ces électeurs une fois élu, règle les problèmes des citoyens ? Je ne vous cache pas que j'use de mes relations personnelles, parfois familiales, pour aider tel ou tel citoyen, les walis invoquant souvent que notre mandat est national, faisant fi de l'instruction qui leur a été donnée par le chef du gouvernement de mettre à notre disposition toutes les informations dont nous aurions besoin», ajoute encore notre interlocuteur issu de l'Alliance présidentielle. En effet, le mandat du parlementaire est national. Le mandat impératif n'existe pas dans le système algérien, comme dans d'autres de par le monde. Car cela reviendrait à dire que le député ne représentera que ceux qui l'ont porté à l'un des sièges de l'hémicycle. Au moment où il légifère pour l'ensemble de la nation. Lequel n'a pas tari de critiques envers la majorité de l'APN. Nous sommes à quelques encablures des législatives et le commun des Algériens retiendra la leçon. Il n'ira pas aux urnes en 2012. Et l'abstention risque d'être plus importante que celle de 2007. Le bilan qu'il aura tiré de cette législature, ce sont les 300 000 DA et plus que ses élus se sont octroyés après l'adoption de la révision de la Constitution. Et une retraite à 100% lorsqu'ils auront quitté l'Assemblée. Mais aussi un pied-à-terre dans la capitale que certains élus n'ont plus quittée depuis leur investiture, ainsi que tous les autres privilèges et l'espoir de devenir ministrable, voire promu ministre à l'occasion d'un remaniement ou d'un changement de gouvernement. Cela en contrepartie de sa soumission entière et totale aux ukases partisans.