Dans le cadre des rencontres autour des sciences du patrimoine immatériel, le Centre national de recherches préhistorique, anthropologique et historique (CNRPAH), à Alger, a organisé sous l'égide du ministère de la Culture deux journées d'étude consacrées à l'ethnomusicologie en présence de nombreux chercheurs et spécialistes nationaux et étrangers.Lors de la première journée d'étude qui s'est déroulée dimanche dernier, le directeur du CNRPAH, Slimane Hachi, a mis en exergue le fait que le ministère de la Culture s'investit pleinement pour la valorisation et la promotion du patrimoine immatériel. Ainsi, ces deux journées d'étude sont le prélude d'un cycle de rencontres, notamment consacré à la littérature orale, à l'instar des contes, proverbes et devinettes populaires. Il a souligné à ce propos que «ces manifestations à caractère scientifique apportent un éclairage nouveau sur nos cultures, interrogent et interpellent l'identité de chacune de nos nations, voire le dépassement des identités nationales post-coloniales, et, ce faisant, permettent aux peuples du continent de mieux apprécier leur passé en contribuant à la construction de leur avenir».Les multiples définitions de l'ethnomusicologie, ses perspectives ainsi que l'importance de la numérisation ont marqué les multiples interventions de la première journée d'étude. A ce propos, Jean Lambert, chercheur au Centre de recherche en ethnomusicologie (CREM) de Paris, a présenté dans sa communication intitulée «l'ethnomusicologie en perspective avec les sciences humaines et les sciences de la nature» l'historique de cette discipline née en 1950 à partir de la fusion de la musicologie et de l'ethnographie. Il a expliqué à ce propos que «l'ethnomusicologie est l'ethnologie musicale, c'est-à-dire l'étude de la musique dans les sociétés», précisant que «l'ethnomusicologie englobe l'étude des sociétés de tradition orale, celle des sociétés à civilisations avancées d'Afrique et d'Asie qui avaient une écriture depuis longtemps, mais qui n'avaient pas d'écriture musicale, celle des musiques populaires de l'Europe assez peu affectées par la transcription de la musique occidentale dite savante et enfin l'étude de toutes les musiques populaires modernes telles que le jazz et le rap». Quant au chercheur allemand Jürgen Elsner, il a abordé les différents aspects de l'ethnomusicologie moderne en soulignant que «la recherche musicologique a été pendant longtemps réduite à l'histoire de la musique occidentale. Mais depuis vingt-cinq ans naissait la musicologie comparée qui a ouvert un champ d'activités multiples, loin du carcan étroit de la musicologie traditionnelle». Il a ensuite insisté sur la nécessité de «réfléchir à une ethnomusicologie universelle». A propos de la question du «pourquoi de l'ethnomusicologie», le chercheur explique que «l'hypothèse ethnomusicologique observe et explique les musiques occupant une place unique dans les sociétés, les cultures humaines. Ceci va de pair avec de nombreuses constatations selon le maître de musique qui occupe une place particulière dans la chaîne qui relie l'homme». De son côté, Mahmoud Guettat, universitaire et chercheur tunisien, a dressé un tableau des perspectives de l'ethnomusicologie dans le Maghreb, en soulignant que, même si le champ des études et des recherches s'est considérablement élargi, les travaux sur les musiques du Maghreb sont «abondantes, mais elles se font dans la dispersion», affirmant qu'«il est temps de dresser un bilan exhaustif des recherches individuelles et collectives», en estimant qu'il devient nécessaire aujourd'hui de «faire un état des lieux des recherches faites par les chercheurs et les institutions en charge du patrimoine musical qui, une fois archivées, seront d'un grand apport aussi bien pour les étudiants que les chercheurs».Les chercheurs présents ont également abordé la thématique «quand la numérisation sert l'ethnomusicologie» à travers, notamment l'intervention de la chercheuse française Véronique Ginouvès, qui a présenté l'expérience de la phonothèque du MMSH où elle a souligné que «la numérisation n'est pas seulement un acte technique», soulevant l'importance de la collecte des matériaux et de la validation des archives par un recoupement avec d'autres archives ou des observations ultérieures et la reconnaissance par ses pairs de la valeur du travail scientifique qui en est issu, précisant à cet effet que «numériser un document, c'est passer du support au contenu, organiser les séquences sonores, les nommer et mettre en valeur les métadonnées». De leur côté, Jean Lambert a présenté «ethnomusicologie et numérisation du patrimoine musical» et Fayçal Belkelfat «méthode de sauvegarde par numérisation du patrimoine musical maghrébo-andalou.» S. A.