Photo : S. Zoheir Par Samir Azzoug Les rapports entre les APC et les citoyens sont loin d'être idylliques. Une relation obligatoire, conjoncturelle, redoutée par la plupart des «sujets». «Ma hantise est de devoir fournir un dossier administratif. Avoir à retirer des documents d'état civil est un calvaire», dénonce Halim qui se voit dans l'obligation de renouveler sa carte d'identité nationale (CNI) dont la date de validité est déjà dépassée. «Elle est ‘‘périmée'' depuis plus d'un mois. Au niveau de la daïra de Hussein Dey, des amis affirment que le renouvellement ne prend pas plus d'une semaine. Mais pour rassembler le dossier nécessaire, je stresse. Je suis angoissé dès que je pénètre dans un bureau d'état civil. Je m'y perds», reconnaît-il, affligé. Une appréhension justifiée. Rentrée sociale oblige, les services d'état civil des 57 communes algéroises sont prises d'assaut. Partout, on y rencontre les mêmes scènes. De Kouba, Sidi M'hamed, Hussein Dey, El Biar, Baraki à Sidi Moussa les APC algéroises confirment qu'elles font partie du même standard. Des dizaines de citoyens, hommes et femmes, l'air agacé, emplissent les espaces des salles réservées au retrait des documents d'état civil. Occupant les chaises dans les salles d'attente, faisant les cents pas ou du coude-à-coude au niveau des guichets, ils semblent agacés par tant de mésaventures. «Entre le certificat de résidence pour le passeport, l'extrait de naissance ou l'acte de naissance, le B13, le B12 et maintenant le S12, l'acte de décès à présenter plusieurs fois par an, car un document généralement a une date de validité… il faut sortir des grandes écoles pour y comprendre quelque chose», énumère un quadragénaire «blasé» qui s'est vu refuser l'inscription de sa fille dans un jardin d'enfants car, au lieu de l'acte de naissance, le B12, délivré par la mairie de naissance, pour le dossier, il avait présenté un «simple» extrait de naissance acquis au niveau de n'importe quelle APC. Erreur fatale. Le B12 est un document issu des archives. Or, il faut savoir que l'archivage de la filiation dans la grande majorité des communes algériennes se fait toujours de manière archaïque. Dans des registres volumineux entassés sur des étagères poussiéreuses. Parfois à même le sol. A l'heure du numérique, des échanges d'informations par réseaux et de l'allègement des procédures administratives, les gros registres déterminent encore l'identité. «Pour avoir un acte de naissance, il faut compter au minimum une journée de travail à ‘‘zapper''. Je sors juste de l'APC de Hussein Dey. J'ai déposé mon livret de famille après une attente qui aura duré 45 minutes, et j'attends la délivrance du document en début d'après-midi. Pour moi qui ai bénéficié dernièrement d'une opération de relogement à Birtouta, c'est toute une journée de perdue. Avec les embouteillages et les problèmes de stationnement, je suis obligé de rôder ici, en attendant», déplore un Algérois aguerri en formalités administratives. «Une fois, j'avais besoin d'un B12 (on parle bien d'un document administratif, il ne s'agit ici ni de la vitamine ni du bombardier). Une journée perdue plus tard, je me rends compte que l'agent de saisie s'est trompé sur mon patronyme. Un point de moins sur l'orthographe m'a coûté une autre journée de travail. Maintenant, je ne quitte pas le guichet tant que je n'ai pas passé au crible chaque caractère transcrit», plaisante-t-il. Au niveau de l'APC de Sidi M'hamed, le service d'état civil est submergé le dimanche matin. La même scène est reproduite. Des citoyens, papiers en main, attendent nerveusement. Sur les chaises de la salle d'attente, debout face aux guichets, assis sur les marches, ils patientent. Le dimanche est un jour de réception. Le président de l'APC est censé accueillir de vive voix les doléances de ses électeurs. Et elles sont nombreuses, ces doléances, et parfois compliquées. Sur rendez-vous, les hôtes du maire se morfondent. L'ambiance dans le service d'état civil est lourde. Pas un sourire. Aucune raison pour le faire. La politesse s'efface devant le stress. «J'ai tout un dossier administratif à fournir pour le passeport de mon fils. A chaque fois, je dois refaire la queue. C'est interminable. Et puis, cette formalité qui consiste à légaliser des documents délivrés sur place, au niveau d'un autre guichet me sature», dénonce une vieille dame qui assure avoir passé plus de deux heures et demie sans avoir «vu le soleil». Fait marquant et remarquable au niveau de toutes les APC, la présence en force des femmes d'un âge avancé. «Mes fils travaillent et ils sont nerveux. Pour éviter qu'ils aient des accrochages avec les agents et perdent une journée de travail, je préfère effectuer moi-même leurs formalités. Moi, j'ai le temps. Et puis, eu égard à mon âge, généralement, on est courtois avec moi», explique-t-elle. Malheureusement, toutes les formalités ne peuvent être effectuées par ces «administrateurs du troisième âge». L'introduction prochaine des documents biométriques et la création de l'acte de naissance spécial, le S12, obligent les demandeurs à se déplacer. «Je ne comprends pas pourquoi c'est aussi compliqué et aussi lent. Maintenant on sait que, quand l'administration veut bien travailler, elle le fait. Lors du match Algérie-Egypte à Khartoum (Soudan) des passeports spéciaux ont été délivrés en une journée. Record absolu pour une formalité qui prend d'habitude plus d'un mois», se rappelle Aami Salah, un vieil «excité». Chaque année, les rentrées sociale, scolaire et universitaire apportent, entre autres, leur lot de paperasse, à fournir. Le rush des citoyens vers les services d'état civil est important. Les formalités administratives, compliquées, accomplies de manière archaïque, lente, éprouvent les nerfs. Quand verra-t-on un ordinateur aux guichets de l'état civil Pour gagner du temps, car il est urgent de renouer la confiance et la bonne cohabitation entre le peuple et son administration. La commune est le premier lien entre les citoyens et les pouvoirs publics. Ces responsables sont élus pour répondre aux besoins de leurs électeurs. Aujourd'hui, en Algérie, on parle d'un nouveau code communal, de la formation des élus, des papiers d'identité biométriques… A quoi sert tout cela si, pour retirer une simple fiche familiale, on doit envoyer sa mère !?