La loi 90-08 du 7 avril 1990 portant code communal énonce en son article premier que “la commune est l'unité territoriale de base jouissant de la personnalité morale, de l'autonomie financière” et qu'“elle est créée par la force de la loi”. Dans les faits, ses missions les plus importantes, quotidiennes, la mettent quotidiennement à l'épreuve de la demande d'une multitude de services par les citoyens qui y résident, ou qui y ont résidé à un moment ou à un autre durant leur vie. Les chefs-lieux de commune sont les plus exposés à la surcharge de travail orienté vers les divers documents administratifs exigés par la constitution de dossiers. La situation empire lorsque le chef-lieu de commune est aussi chef-lieu de daïra, et le comble est atteint lorsque ce centre urbain dispose d'une polyclinique d'accouchement. Car de plus en plus est exigé l'extrait de naissance n°12, qui doit être retiré du lieu de naissance. Et comme la clinique d'accouchement accueille presque toutes les naissances, on peut comprendre la situation catastrophique à divers moments connus de l'année : dossiers destinés à la rentrée scolaire, aux assurances maladie, au départ à la retraite, demande d'emploi, demandes de passeport, frédhas, extraits d'acte de décès, actes de mariage, etc. Les pics les plus importants à l'état civil surviennent au moment de la rentrée scolaire : les prestations les plus demandées sont la fourniture d'extraits de naissance, fiches familiales, certificats de résidence, légalisations, attestations de non-activité salariée… En plus de la croissance naturelle de la population, la tendance actuelle est à l'exode vers les centres urbains, quelle que soit leur taille. L'attestation d'hébergement, souvent complaisante, sera sans coup férir suivie, après à peine 6 mois, par une demande de certificat de résidence dans la commune puis par la demande de logement qui, elle, à son tour, mettra le feu aux poudres, eu égard à la sensibilité du secteur de l'habitat. Le certificat de résidence est signé par un des élus, maire ou adjoint, normalement dans les heures qui suivent la demande. Il est demandé pour la confection de nombreux dossiers administratifs : logement, emploi, études, etc. Traitement des dossiers dans les coulisses La plupart des APC se sont dotées de guichets vitrés aisément accessibles aux administrés. Dans les services de l'état civil des petites villes de l'intérieur, les APC se sont dotées de sièges sur lesquels peuvent patienter les administrés en attendant leur tour au guichet choisi : ces sièges sont disposés face aux guichets (légalisations, état civil, etc.) à partir de l'entrée et le premier arrivé occupe le siège le plus proche des premiers guichets. Mais les choses ne sont pas si simples, car il existe malgré tout des passe-droits et des demandes de documents traitées dans les coulisses : on peut constater des nouveaux arrivants discuter “amicalement” avec des agents de l'état civil, avant de leur refiler leur livret de famille et leurs desiderata, sous l'œil furibond de ceux qui font la queue depuis des heures. Une autre prestation folklorique, celle de l'attestation de non-activité salariée dont le demandeur devra ramener deux témoins réputés le connaître, et qui est accordée sans problème majeur. Résultat, bien des abus sont commis car n'importe qui pourra témoigner en votre faveur pourvu que votre tête lui revienne. Or des personnes aisées mais sans scrupule obtiennent l'aide de l'Etat pour la rentrée scolaire, alors que des personnes dans le besoin ne pourront y émarger. Les actes de vente “sur papier timbré” de voitures ou autres objets de valeur se faisaient naturellement aux APC, avant que la vente devant notaire ne soit devenue obligatoire et systématique. Il suffisait d'une déclaration des deux parties, vendeur et acheteur, pour que le document soit délivré aux deux parties. Des municipalités comme Tidjelabine percevaient d'excellentes rentrées par ce biais. Les communes, selon la loi 90-08, article 132, peuvent “créer des services publics communaux destinés à couvrir les besoins des citoyens : eau potable, assainissement, décharge publique, marchés couverts et non couverts, poids et mesures”. Dans les faits, peu de choses de ce vaste programme sont mises en œuvre. Il n'existe presque plus d'entreprise communale de BTP, et l'eau potable est gérée par des offices publics indépendants de la commune. Reste le problème des décharges publiques et du ramassage des ordures qui se fait plutôt mal que bien, même si ici et là on parle de plus en plus de CET (centres d'enfouissement techniques). Les résidents des communes sont astreints au paiement d'une taxe d'assainissement qui comprend la prestation de l'assainissement et du ramassage d'ordures. Depuis quelques années, la commune bénéficie de la taxe d'habitation que chaque résident doit verser à la recette d'impôts communale. Les APC emploient pas mal de monde dans leurs services : à l'état civil où on retrouve surtout de jeunes diplômés payés selon les salaires du pré-emploi, au niveau des parcs communaux, lorsqu'ils existent, dans les voiries et réseaux divers (ramassage d'ordures, nettoyage, curetage des égouts, etc.) dans le gardiennage des écoles, dans les chantiers réalisés en régie. Le recours à ce dernier mode de gestion est de moins en moins facile par manque de moyens financiers propres aux communes. La réforme de la fiscalité locale à l'arlésienne Très souvent, les administrés d'une commune se retrouvent confrontés à l'administration fiscale. Parfois, pour un extrait de rôle non acquitté, souvent pour des raisons objectives, et non point par volonté délibérée d'échapper au fisc, un père de famille voit ses enfants privés de bourse d'études à l'université, alors même qu'étant majeurs c'est à eux, normalement, que l'administration fiscale de la commune devrait demander le document. Ceci étant dit, la plupart des communes du pays n'arrivent pas à s'autofinancer par leurs rentrées fiscales ou issues d'autres activités économiques ou industrielles. Sans omettre de souligner que la plupart des résidents d'une commune passent leur temps à se plaindre des impôts ! Quel est le rôle des daIras ? Rares sont les gens qui perçoivent réellement l'utilité des daïras : si elles représentent l'autorité du wali (selon le code de wilaya édicté par la loi 90-09) donc de l'Exécutif (ministère de l'intérieur et des collectivités locales), il n'en demeure pas moins que l'APC délivre le document le plus important, dans la vie d'un homme ou d'une femme, l'extrait de naissance. La confection d'un passeport est relativement aisée, mais elle devient impossible faute de documents fiables, que l'APC se charge de confectionner tout en protégeant les registres d'état civil dont ils sont issus. Bientôt le passeport biométrique entrera en vigueur, selon le gouvernement. Avec quelles compétences, et donc quels personnels ? Devrait-on recruter, former ou recycler ceux qui existent ? Malgré tout, dans les daïras, les choses semblent changer peu à peu, souvent grâce à l'initiative individuelle de l'un ou l'autre des chefs de daïra qui préconisent le rapprochement de l'administration avec ses administrés. Tel ce chef de daïra d'une ville de l'intérieur qui reçoit chaque lundi plusieurs dizaines de personnes pour tenter d'étudier leurs problèmes souvent en rapport avec le logement, la construction d'écoles ou le désenclavement de communautés rurales. Même si les solutions ne peuvent dépendre de lui, il semblerait que le fait de recevoir les gens et d'écouter leurs doléances représente un vigoureux palliatif à la satisfaction de leurs innombrables attentes. Mais jusqu'à quand ? Le permis de conduire ainsi que le passeport sont délivrés par la daïra. Le recours aux guichets vitrés dotés de sièges est devenu systématique. Les procédures destinées à la délivrance de l'un ou l'autre des deux documents, ont été abrégées. Pour ce qui est du passeport, une enquête de police est exigée et elle peut aller de 2 semaines à 3 mois. Souvent les retards dans la délivrance du passeport ne sont pas motivés, car la daïra ne possède pas de prise sur les services de police et le citoyen n'aura qu'à prendre son mal en patience, l'état d'urgence pouvant justifier beaucoup d'abus. Le permis de construire : un document difficile à arracher Le document le plus recherché depuis la fin des années 1970, et la fin de l'interdiction de bâtir. La demande est adressée aux services de l'urbanisme de l'APC qui l'acheminent, une fois l'avis favorable du P/APC accordé, vers la sous-direction de l'habitat de la daïra. Le dossier doit contenir nombre de documents, dont le titre de propriété et le plan d'architecture. La délivrance du permis de construire se faisait assez facilement, jusqu'au séisme de mai 2003 lorsque des normes parasismiques plus rigoureuses ont été établies. Si, de plus, la zone est considérée comme patrimoine historique classé, les choses se compliquent. Reste la construction illicite, tel un défi ou un ultime recours des mal-logés. Les APC recourent très rarement à la démolition des constructions illicites et vont parfois jusqu'à légaliser un accaparement de terrain communal, par crainte du mécontentement populaire. D'où la propension quasi systématique au recours à la régularisation, parfois au détriment du POS (plan d'occupation du sol) qui arrive souvent trop tard pour redresser des situations largement compromises par l'incurie des élus. Une incurie aggravée par le grignotage continu de leurs prérogatives par l'exécutif représenté par le chef de daïra et le wali, auquel pourrait s'ajouter un wali délégué. Le SG de commune détient un pouvoir, parfois bloquant, lorsqu'il s'agit de l'autonomie des assemblées locales dont le rôle vidé de toute substance risque d'être dévoyé. À mesure que les problèmes s'accumulent, les élus des collectivités locales se muent en parias et se transforment en boucs émissaires face à des émeutiers désespérés. Les prérogatives des élus communaux se sont jusqu'ici rétrécies telles des peaux de chagrin. La nouvelle mouture du code communal qui devrait, vraisemblablement, accorder plus de prérogatives aux élus locaux n'a pas encore vu le jour. D'ici là, les élus communaux devront continuer à faire figure de décor démocratique et d'encaisser toutes les avanies sans trop broncher, pour servir de pare-feu à l'exécutif.