Photo : Riad Par Karima Mokrani Hiver comme été, les citoyens craignent le retour des épidémies. Typhoïde, conjonctivite, méningite, grippe aiguë… des maladies faciles à prévenir mais pas à soigner. La prise en charge médicale est d'autant plus difficile que les structures de santé, à travers le pays, manquent encore de moyens humains et matériels nécessaires. «Pas d'ambulance», «pas de médecin», «pas d'infirmier», «pas de radiographie», «pas de médicaments», «pas de téléphone»… et «pas d'organisation», entend-on souvent dire par des citoyens qui affirment avoir «la malchance d'être tombé malade». Un petit malaise provoqué par une fatigue physique se transforme en cauchemar. Il n'y a qu'à faire un tour dans n'importe quelle structure sanitaire du pays -y compris dans les grandes villes du Nord- pour réaliser à quel point il est difficile d'accéder au minimum des soins pour la plus simple des maladies. Voilà qui explique pourquoi les citoyens n'accordent que très peu de crédit à leurs structures de santé. Un système de veille sanitaire, appelé «système de sites sentinelles de surveillance des maladies à déclaration obligatoire», est mis en place par les services du ministère de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière. Son travail consiste à faire face à tout événement sanitaire, en s'appuyant directement sur l'information. Une information sanitaire qu'il faudrait communiquer et exploiter en temps réel, de façon à pouvoir réagir instantanément face à tout risque d'épidémie. Dans chaque secteur sanitaire du pays, aujourd'hui divisé en deux, les hôpitaux et les EPSP (établissement public de santé de proximité), les médecins consultants sont tenus de mentionner toutes les maladies à déclaration obligatoire (MDO) qu'ils traitent au quotidien et les communiquer au service de médecine préventive (SMP) qui se trouve dans la même structure. Les SMP établissent -en cinq exemplaires- un relevé médical hebdomadaire et le remettent au ministère de tutelle, à l'Institut national de santé publique (INSP), à l'Observatoire régional de la santé (ORS), à la direction de la santé de la wilaya et enfin aux archives. Des épidémiologistes et des spécialistes dans les différentes maladies examinent les données du relevé, les analysent, effectuent si nécessaire des enquêtes sur le terrain et dégagent une série de conclusions et de recommandations. C'est de cette façon que fonctionne normalement le système de veille sanitaire en Algérie. Il n'empêche, des épidémies sont déclarés çà et là à travers le pays (des centaines de cas de conjonctivite en 2003, 400 cas de typhoïde à Djelfa en 2006…). «Le système de veille sanitaire est inefficient», accusent de nombreux citoyens qui affirment ne pas comprendre que des maladies déclarées en voie d'éradication reviennent avec autant de victimes. Ainsi, si l'on en juge par la nature même de la maladie et le nombre des cas déclarés (un nombre qui ne reflète pas systématiquement la réalité du terrain, sachant que ce ne sont pas tous les cas qui sont déclarés), il serait vraiment difficile de croire en l'efficacité d'un tel système. Car, non seulement l'information sanitaire n'est pas communiquée et exploitée dans les temps mais aussi, devrions-nous le signaler, les infrastructures de surveillance épidémiologique restent insuffisantes par rapport aux besoins. Elles sont pratiquement inexistantes dans les régions les plus éloignées du pays, là où les risques d'épidémies sont plus grands. D'où l'urgence d'aller vers un système d'alerte plus performant, basé sur un plus grand nombre d'infrastructures de surveillance et une communication rapide et efficace de l'information. Un projet dans ce sens est en cours de réalisation par les services du ministère de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière, en partenariat avec Algérie Télécom. Ce projet consiste en la mise en connexion au réseau Intranet de toutes les infrastructures sanitaires du pays. «Nous allons passer d'un système traditionnel à un système moderne», assure un responsable du ministère. Cette opération Intranet «Santé Algérie» aura pour objectif, selon l'ancien ministre, M. Amar Tou, de «mettre à la disposition du personnel du secteur, notamment les médecins et les spécialistes, des informations et des données sanitaires […] Il devra aussi leur permettre de suivre pas à pas les différentes activités sanitaires liées aux soins, aux problèmes épidémiologiques et aux médicaments.» En attendant la réalisation de ce projet ô combien ambitieux -qui nécessitera sans doute la mobilisation de grands moyens financiers-, des données se perdent, le personnel est dispersé… et le citoyen est livré à lui-même.