Photo : A. Lemili De notre correspondant à Constantine A. Lemili Il y existe des librairies, il s'y déroule des concerts, il y est donné des représentations théâtrales mais il reste une implacable certitude : aucune salle de cinéma ne fonctionne à Constantine. Elles ont le mérite d'exister comme celui de détenir le label de musée. Non pas dans le sens noble qui devrait leur être donné mais comme modèle de l'archaïsme. Nul ne sait aujourd'hui comment sont faites les salles à l'intérieur, exception faite de la salle de répertoire An-Nasr (cinémathèque algérienne) laquelle tient heureusement le coup eu égard à la présence continuelle d'un personnel encore sur place et que ne réduira que le départ à la retraite de ceux atteints par la limite d'âge et, au pire des cas, le décès. Mais il est quasiment certain que El Andalous (ex-Versailles), Olympia, Rhumel (Royal) doivent être dans un état de délabrement inimaginable, l'exemple parfait demeurant cette dernière salle qui a gardé pignon sur rue par rapport à sa façade (entrée) mais un éboulement dû à l'écroulement des maisons de la vieille ville empêche tout accès aux espaces essentiels (administration, cabine de projection, issues de secours). Mais l'une de ces salles, qui par ailleurs constitue l'un des pans du carré des cinémas historiques de la ville, en l'occurrence Anouar (ex-ABC) a totalement été détournée de sa vocation dans la mesure où tous ses sièges ont été enlevés pour laisser la place à un espace accueillant diverses manifestations (mariages, circoncisions) et, depuis quelque temps, des concerts avec la contribution du CCF. Encore un paradoxe dans une ville où ce qui n'est pas réglementaire est vite affranchi par le fait accompli. Il y a lieu de rappeler au sujet de la salle ABC qu'elle est au centre d'un différend entre les services du patrimoine, pour ne pas dire l'APC, et le locataire initial des lieux, aujourd'hui décédé. Après presque quinze ans de procédures, il semblerait que le dossier doive être repris en fonction du nouveau «propriétaire» des lieux qui n'est autre que son épouse.Quoi qu'il en soit, il ne se trouve pas une seule salle de cinéma en mesure de fonctionner à travers toute la wilaya même si celle de la ville du Khroub va s'avérer disponible pour les meetings politiques à venir, les assemblées générales du club fanion local et accessoirement au stockage des denrées alimentaires du fameux couffin de Ramadhan. Elle gardera, aux yeux des responsables, toutes missions confondues, le mérite de servir à quelque chose d'autant plus que, s'agissant de cinéma, il est peu évident qu'on puisse en faire dans la mesure où elle ne dispose pas d'équipements. Questionné justement, il y a quelques semaines, sur le sujet, M. Hemaïzia, le président d'APC nous informait de la prochaine mise en adjudication de la salle.Les dernières activités de salle de cinéma à statut public remontent à 1999 (cinémathèque An-Nasr) et prendront fin avec la cessation d'exercice d'un distributeur-exploitant privé en 2004. Pour l'anecdote, une jeune fille entrant, vraisemblablement, avec son père pour la première fois dans une salle de cinéma lui avait demandé : «Papa, c'est quoi cette grande toile blanche collée au mur ?» Il s'agissait évidemment de l'écran, un écran que ne connaissait forcément pas une enfant de la télé et pour cause… l'absence de salle évoquée précédemment. Alors d'ici là que dans la panique, des gens fuient une salle de cinéma dès que les lumières seront éteintes, il y a un pas dans la fiction que nous franchirons allègrement.