Photo : Sahel Par Samir Azzoug Le monde évolue sans cesse. De plus en plus rapidement. Mais nulle évolution ne doit se faire au détriment de l'Histoire. Un projet, quelle que soit son ampleur, n'a pas le droit de piétiner les symboles de la révolution nationale. Des lois existent pour protéger le patrimoine historique. Des peines de prison et des amendes sont prévues pour les personnes qui détériorent des objets datant de l'ère romaine ou phénicienne. Que dire des sites où le sort de l'Algérie libre et indépendante a été scellé ? La ferme El Hedjim est incontestablement un symbole de la guerre de libération. A cheval entre les deux communes de Khraïcia et de Baba H'cen, elle s'étend sur 5 hectares. Propriété de feu El Hadjim Bachir, la ferme a accueilli, le 20 juillet 1954, 14 responsables du FLN. Organisée par Didouche Mourad, la rencontre avait pour but de préparer l'événement majeur de la révolution algérienne, le premier Novembre 1954. «La réunion avait pour optique d'unifier l'action révolutionnaire. Uniformiser, synchroniser les attaques et cibler les endroits stratégiques et névralgiques pour occasionner le plus de dégâts possible au colonisateur», raconte M. Abdelkader El Hedjim, le dernier survivant d'une famille de révolutionnaires composée de 6 frères et de leur père. Etaient présents à la réunion, entre autres, Didouche Mourad, Bouadjadj Zoubir, Rabah Bitat, Boussouf, Athmane Belouizdad, Ben M'hidi, Ben Boulaïd, les frères Kaci Abdellah Abderrahmane et Mokhtar, Souidani Boudjemaa, Ben Alla, Kuini Nacer, Kaddour El Hedjim. «Ils sont restés 3 ou 4 jours. Le peu d'armes dont disposaient les révolutionnaires de la région était entreposé ici. En plus de la réparation de ces armes, des stages pour la fabrication de bombes servant aux attentats du 1er Novembre ont été dispensés sur les lieux», poursuit Abdelkader. «La première bombe ayant ciblé le jardin d'Essais a été fabriquée à la ferme El Hedjim», témoigne un autre moudjahid. Malheureusement, depuis le mois de décembre de l'année dernière (2007), la ferme est menacée par le passage du grand projet de l'autoroute Est-Ouest (le tracé de la rocade sud reliant Boudouaou à Zeralda). «Dès l'annonce [du passage de l'autoroute par la ferme], nous avons contacté et sensibilisé tous les secteurs concernés sur l'importance du site. La direction des travaux publics d'Alger, les communes de Khraïcia et de Baba H'cen. On a même été reçus par le ministre des Travaux publics, M. Amar Ghoul, mais pour l'instant nous considérons que, comme promis par ce dernier, le dossier est à l'étude», déclare M. Abdelkader. «Au départ, raconte un descendant de la famille El Hedjim, le tracé ne devait pas passer par la ferme. Mais, selon des sources, les techniciens ont fait confiance à Google Earth [un logiciel qui donne des images satellites] pour modifier le tracé. Cependant, Google Earth ne connaît pas l'histoire d'Algérie.» Plus sérieusement, aami Abdelkader explique que c'est pour éviter de détruire plusieurs habitations érigées sur l'ancien tracé. «Nous ne sommes pas contre l'autoroute, au contraire. Ce que nous demandons, après avoir tenu une réunion familiale, c'est d'être indemnisés en nature. On a sensibilisé les gens sur l'importance du site, nous avons toujours refusé de vendre la ferme même à des prix faramineux. Mais aujourd'hui, nous sommes prêts à céder le site. Qu'ils en fassent ce qu'ils veulent. On demande qu'ils nous donnent en contrepartie la même superficie de terre (5 hectares) ailleurs, et avant le début des travaux», poursuit aami Abdelkader échaudé par des expériences antérieures où la famille a dû céder plus de 3 000 m⊃2; pour la construction d'une route pour désenclaver des habitations. «Malgré les promesses de l'ancien maire de Baba H'cen aujourd'hui décédé, nous n'avons eu aucune indemnisation.» Hier, un nombre impressionnant de moudjahidine étaient présents à la ferme El Hedjim. Ils étaient plus de 300 à se rencontrer pour la commémoration de la Journée du moudjahid. Le secrétaire général des Moudjahidine, M. Saïd Abadou, a tenu à mettre en valeur l'importance du site. L'absence des autorités locales et des élus est toutefois à signaler.