L'Iran prend la tête de l'Organisation des pays exportateurs du pétrole (Opep). La présidence de l'organisation viennoise lui a été confiée, au terme de la conférence ministérielle ordinaire tenue jeudi dernier, dans la capitale autrichienne.L'Iran, gros producteur de brut au niveau mondial, est catalogué dans l'aile dure au sein de l'Opep. Avec le soutien du Venezuela, il essaye de faire aboutir une proposition commerciale vieille de près de dix ans, celle de cesser de libeller les exportations de pétrole en dollars et de dégager un panier de devise de substitution. Cette question est toujours d'actualité, le dollar se dépréciant sensiblement actuellement face à une monnaie européenne au mieux sa valeur. C'est une des conséquences produites par la crise financière internationale.La dépréciation du billet vert, les pays Opep la subissent, voyant leurs revenus s'effriter. Et la reprise des cours du brut, qui ont dépassé les 80 dollars ces derniers jours, ne compense pas les pertes essuyées par les pays membres, annulant les gains qu'ils récoltent. Pis, le prix du pétrole entraînant d'autres matières premières dans son sillage, dont les denrées alimentaires, «notre revenu réel se détériore», s'est plaint le chef de la délégation libyenne à l'Opep, Choukri Ghanem, cité par des agences de presse.L'évolution du prix du baril de brut, libellé en dollars, est principalement liée à la baisse du billet vert, alimentée par des spéculations croissantes sur de prochaines mesures de la Réserve fédérale américaine (Fed) pour soutenir la première économie du monde, analysent de nombreux observateurs. La devise américaine est retombée face à l'euro à son plus bas depuis huit mois. C'est pourquoi certains expliquent que la courbe actuelle des cours de pétrole est inférieure, en valeur absolue, aux courbes enregistrées dans les années soixante-dix. Et ont raison des pays comme la Libye, l'Algérie et le Venezuela, quand ils souhaitent que le baril de brut oscille entre 90 et 100 dollars. Seulement, à ce niveau-là, des problèmes peuvent surgir : «Un prix du brut au-dessus de 90 dollars pourrait menacer la reprise mondiale à un moment où l'économie américaine ralentit déjà et où la Réserve fédérale est prête à injecter des liquidités», avertit Neil MacKinnon, économiste chez VTB Capital. Or, une nouvelle récession serait un désastre, abonde dans ce sens David Hufton de PVM Oil Associates, qui souligne que le prix de l'or noir pourrait dévisser «de manière crédible à 50 dollar le baril face à l'importance des stocks accumulés».Autre difficulté, les prix du pétrole, objet de prédilection, outrancière par moments, sur les marchés financiers, sont de moins en moins contrôlables par le jeu traditionnel de l'offre et de la demande. D'ailleurs, l'Opep le souligne dans ses rapports : il n'y a pas de raison de mettre plus de pétrole sur les marchés, la volatilité des prix est le fait de spéculations. Le secrétaire général de l'Opep, Abdallah Salem El-Badri, reconnaît aussi une certaine impuissance : «Quand le baril a atteint 147 dollars [à l'été 2008, ndlr], nous étions inquiets. Nous savions à ce moment-là que même une hausse de la production n'aurait pas calmé les marchés.» «Le patron de la Fed, Ben Bernanke, a eu plus d'impact sur les prix que l'Opep en une décennie», ironise ainsi Phil Flynn, analyste chez PFG Best.Incertains quant à la valeur de la monnaie américaine, les investisseurs sont en effet poussés vers des actifs tangibles, comme le pétrole, ce qui fait monter les prix. Dans cette situation, «certains ont proposé d'abandonner le dollar en tant que monnaie de référence» sur le marché pétrolier, a affirmé après la réunion de l'Opep à Vienne le ministre vénézuélien Rafael Ramirez. «Mais même un tel changement n'ôterait pas tout risque. Il suffirait que la devise choisie pour remplacer le dollar perde à son tour de la valeur pour que les producteurs fassent à nouveau grise mine. Dans l'immédiat, le pétrole pourrait revenir dans la fourchette de 70 à 80 dans laquelle l'or noir a évolué depuis an, et réduire le revenu des producteurs un peu plus. Cette fourchette correspond à des fondamentaux du marché actuel», insiste Johannes Benigni directeur du cabinet JBC Energy.Changer d'unité de mesure relève-t-il de l'irréel ? En tout cas, à ce jour, le vœu des Iraniens n'a pas été exaucé, les monarchies du Golfe, l'Arabie saoudite en tête, s'y opposant, pour des raisons d'ordre politique. Ces pays reprochent à Téhéran des visées expansionnistes et militaires dans la région. L'Iran perd-il au change ? La question de la monnaie américaine, l'Iran pourrait la faire rebondir et la soumettre à débat, à la faveur des prochaines conférences de l'Opep. Au-delà de ce sujet, l'Organisation des pays producteurs de pétrole s'est inscrite dans une dynamique de soutien à la croissance de l'économie mondiale, raison pour laquelle elle a décidé de ne pas modifier ses quotas de production, maintenus à 24,84 millions de barils, un plafond arrêté fin 2008 à Oran, lors d'une conférence extraordinaire présidée par l'Algérie, une mesure consensuelle. De plus, les cours du brut sont actuellement «satisfaisants». Chef de file des pays Opep, l'Arabie saoudite estime, par la voix de son ministre de l'Energie, Ali Al Nouaïmi, qu'il n'y a aucun changement, parce que le marché est «satisfaisant». Les prix de l'or noir évoluent depuis plus d'une année dans une fourchette oscillant entre 70 et 80 dollars, voire un peu plus, ces derniers jours, en raison de la dépréciation du billet vert. Les cours étaient stables, vendredi dernier, par exemple, dans les échanges électroniques en Asie. Dans les échanges matinaux, le baril de «light sweet crude» pour livraison en novembre, même s'il perdait 4 cents, se situait autour de 82,65 dollars. Celui du brent de la mer du Nord à échéance décembre prenait 1 cent à 84,21 dollars, pour son premier jour de cotation sur cette échéance. Les cours du brut continuaient d'être soutenus par la poursuite de l'affaiblissement du billet vert, qui devrait se poursuivre, selon des analystes. Les mauvais chiffres du chômage américains de septembre, qui en général poussent les prix du brut vers le bas, n'ont pas eu cet effet-là car ils laissent anticiper des mesures de soutien à l'économie par la Réserve fédérale américaine, qui pèseront sur la valeur du billet vert. Il est évident que, lorsque le dollar baisse, le pétrole, qui est libellé en dollars, devient plus attractif pour les investisseurs détenant d'autres devises. Un affaiblissement du billet vert se traduit donc souvent par une hausse des prix du brut. De manière plus globale, le niveau actuel des prix est raisonnable. Et les pays producteurs tout comme les pays consommateurs s'en accommodent relativement bien. Certains pays souhaitent cependant que les cours grimpent encore, et qu'ils soient compris dans une bande flottante entre 90 et 100 dollars. Simplement, cette euphorie risque de s'émousser. Les cours actuels sont acceptables, mais plusieurs facteurs sont «de plus en plus défavorables à l'Opep», a estimé le chef de la délégation libyenne à la réunion de l'Opep,Chokri Ghanem, citant «l'érosion du dollar» et la hausse de certaines matières premières alimentaires. Y. S.