Photo : Riad Par Youcef Salami L'Angola arbitrera demain une conférence ministérielle de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) dont elle est membre depuis deux ans. A priori, ce ne sera pas une rencontre à enjeu, la majorité des pays étant d'accord sur le maintien des quotas actuels de production fixés officiellement à 22,84 millions de barils par jour. Les déclarations faites, ces dernières semaines, par les différents ministres du Pétrole des pays membres se rejoignent sur le fait qu'il n'y a pas de raison d'abaisser ou de relever le volume de production de l'organisation pétrolière. C'est une position prise à la lumière de l'évolution des marchés, aujourd'hui caractérisés par une reprise des cours de l'or noir. La réunion de demain fera également le bilan de l'OPEP sous présidence angolaise. Lunda a pris les commandes de l'organisation viennoise dans une conjoncture très difficile, les prix du pétrole ayant considérablement chuté entre la fin 2008 et le début 2009, dans le sillage de la crise financière internationale. L'Angola a d'abord essayé de faire respecter, autant que faire se peut, la décision de baisse de la production de 4,2 millions de barils par jour, adoptée à Oran le 17 décembre 2008, en faisant appel à la responsabilité de tout le monde, c'est-à-dire, aux pays OPEP et aux pays non OPEP. Elle a d'ailleurs appelé toutes les entreprises pétrolières à réduire leur production pour adhérer aux quotas fixés par l'OPEP. La démarche qu'elle a engagée a eu valeur de test. Le pays voulait du concret dans un contexte économique difficile, changeant. L''Angola, c'est 1,5 million de barils par jour de production (nouveau quota). C'est le deuxième producteur au plan continental, le premier étant le Nigeria. Parce qu'il a abaissé son quota de production et que la chute des cours du pétrole se poursuivait, l'Angola risquerait de voir sa croissance considérablement s'effriter. La discipline observée par les membres de l'OPEP, en ce qui concerne le respect de la mesure prise à Oran, la conférence ministérielle de demain en discutera aussi. Ce dont tout le monde est sûr, cependant, c'est qu'il y a certains pays membres de l'organisation qui ne respectent pas leurs engagements et continuent à surproduire. Cette discipline, fût-elle relative, a fait réagir les marchés, la déprime des cours s'étant estompée. Mais le marché risque de se retourner et de peser sur les revenus de l'OPEP, car la reprise dont il est question aujourd'hui demeure fragile, voire aléatoire, dans une conjoncture où la demande mondiale en pétrole peine à redécoller et où les mauvais chiffres de l'emploi américain nourrissent les craintes des opérateurs. Plus globalement, le marché manque d'orientation, hésitant entre la dégradation des perspectives économiques, synonyme de baisse de la demande mondiale en énergie, et les facteurs haussiers. Pétrole et industrie des biocarburants Le contexte n'est pas réellement différent de celui d'il y a quelques mois. Il est fait de facteurs hétéroclites, d'attitudes spéculatives dues notamment à une dépréciation du dollar et à une chute des taux d'intérêt qui renforcent l'attractivité des matières premières, par rapport aux placements dans les Bourses par exemple. Les plus optimistes s'accordent sur le fait que les prix du pétrole sont partis pour évoluer dans une fourchette ascendante et que l'OPEP n'avait pas à s'en inquiéter. Allons-nous assister ainsi à des pressions des investissements dans le secteur pétrolier et les autres matières premières ? La dévaluation du dollar, les événements géopolitiques vont-ils persister et porter les prix de l'or noir ? Aux dires de spécialistes, des taux d'intérêt plus faibles aux Etats-Unis pour dynamiser l'économie entraîneraient éventuellement un dollar plus faible et plus de capitaux spéculatifs sur le marché pétrolier pouvant se traduire par une accélération de la flambée des prix. La hausse du prix du brut pourrait cependant doper le développement de l'industrie des biocarburants de substitution tirés du maïs ou du blé. Autre élément, face à la détérioration du biller vert, les membres de l'OPEP vont-ils soulever la question du fameux panier de devises pour facturer la commercialisation du pétrole ? Peu probable, même s'il s'agit d'un dossier encore ouvert. Ce sont le Venezuela et l'Iran qui militent pour que l'organisation change d'unité de calcul. Pour l'instant, la proposition n'a pas produit un retour d'écoute favorable. Au cours du sommet des chefs d'Etat tenu les 17 et 18 novembre 2007 à Riyadh, en Arabie saoudite, l'OPEP l'a étudiée mais ne l'a pas insérée dans la déclaration finale. Rien n'est perdu pour autant, semblent dire les deux pays, confortés par la bonne tenue de la monnaie européenne enregistrée ces derniers mois. Et ce sont les pays favorables au maintien du dollar, et ils sont importants en nombre et en termes de capacités de production, pour certains d'entre eux, qui dominent les débats. La proposition en question est pourtant intéressante. Est-elle d'ordre commercial ? «Pas seulement», aux dires de beaucoup. L'Iran vend déjà son pétrole essentiellement en euros. Cette problématique divise-t-elle l'organisation pétrolière ? Pas pour l'instant. A la veille de la conférence ministérielle de l'OPEP, les prix du pétrole progressent, le marché s'inquiétant de nouvelles tensions autour de l'Iran, dont les forces ont pris possession d'un puits pétrolier dans un secteur disputé de la frontière avec l'Irak. Sur le New York Mercantile Exchange (Nymex), le baril de «light sweet crude» pour livraison en janvier se situe autour de 73,36 dollars. Les opérateurs du marché pétrolier s'inquiètent de voir l'Iran faire monter la tension, a observé Andy Lipow, de Lipow Oil Associates, cité par des agences de presse. Les forces iraniennes se sont donc déployées dans un secteur disputé de la frontière entre les deux pays. L'incident s'est déroulé sans violence, mais il a suscité des craintes que la situation n'évolue en quelque chose de plus important, a expliqué Phil Flynn, de PFG Best Research. Le marché ne peut pas ignorer la situation, et il est difficile de jouer à la baisse dans ces conditions, a-t-il ajouté. Le marché est particulièrement sensible aux tensions géopolitiques entourant l'Iran, deuxième exportateur de brut au sein de l'OPEP.