Le maire de la ville de Paris Bertrand Delanoë a qualifié les massacres du 17 octobre 1961 d'«acte de barbarie que l'Etat français doit reconnaître». «Il faut dire la vérité historique. L'amitié entre les peuples algérien et français ne peut pas vivre sans courage et esprit de vérité», a-t-il affirmé lors d'une brève et émouvante cérémonie de recueillement en compagnie de l'ambassadeur d'Algérie à Paris, Missoum Sbih, à la mémoire des Algériens tués lors des manifestations du 17 octobre 1961. L'hommage a eu lieu dimanche en fin de matinée sur le pont Saint Michel de la capitale française. MM. Sbih et Delanoë ont déposé conjointement une gerbe de fleurs au pied de la plaque commémorative du massacre qui s'est déroulé il y a 49 ans. Ont assisté à cette cérémonie, outre des membres du cabinet et des élus de la mairie de Paris, l'ambassadeur de Jordanie, doyen du corps diplomatique arabe en France, ainsi que les ambassadeurs de Syrie, d'Irak et de la Ligue arabe. A l'issue de la cérémonie, l'ambassadeur algérien a rendu hommage aux victimes du massacre et signalé que la date du 17 octobre 1961 est dans la mémoire collective du peuple algérien, en particulier de la communauté nationale en France. Rappelant le nécessaire travail de mémoire pour que nul n'oublie les faits de l'histoire, M. Sbih ajoutera : «Je remercie nos amis français et les ambassadeurs arabes de s'être associés à un témoignage aussi émouvant qui participe, à bien des égards, au devoir de mémoire.» Interrogé sur l'ouverture des archives concernant ce jour où des dizaines d'Algériens ont été jetés dans la Seine pour avoir manifesté pacifiquement contre le couvre-feu raciste qui leur a été imposé par le préfet de police d'alors, Maurice Papon, le maire de Paris a indiqué que ceux qui sont à la quête de la vérité, historiens notamment, «nous disent ce qu'ils doivent nous dire», réaffirmant qu'en tant que maire de Paris il a dit «haut et fort ce qui s'est passé» et souhaite que «l'Etat français le dise». La répression du 17 octobre 1961 a été exécutée sur ordre des autorités du pays et doit être reconnue comme telle, affirmera M. Delanoë. «Dans le colonialisme, il n'y a pas d'effets positifs. Il y a la domination politique, économique et militaire d'un peuple», a-t-il affirmé. Pour rappel, la première plaque commémorative a été inaugurée à Paris le 17 octobre 2001 avec la mention : «A la mémoire des Algériens victimes de la répression sanglante lors d'une manifestation pacifique.»Quarante-neuf ans après ces massacres, la France officielle refuse toujours de reconnaître ses crimes coloniaux, dont ceux commis le 17 octobre 1961. Les Algériens, sortis manifester pacifiquement contre les lois de l'ostracisme, notamment le couvre-feu qui leur a été imposé, ont été réprimés dans le sang. Selon l'Association des moudjahidine de la Fédération du FLN en France 1954-1962, de la Wilaya 7, la chasse à l'Algérien menée sous l'autorité du préfet de police Maurice Papon était particulièrement sanglante. Qu'on en juge : 12 000 à 15 000 arrestations, dont 3 000 maintenus, 1 500 refoulés dans leur douar d'origine, 300 à 400 morts par balle ou par noyade dans la Seine, 2 400 blessés et 400 disparus. Le témoignage fourni par cette association fait état de faits suivants : «Parmi les manifestants arrêtés, des centaines furent envoyés dans les centres de tri de Vincennes, du palais des Sports, du stade de Coubertin, porte de Saint-Cloud, transformés pour la circonstance en autant de lieux d'interrogatoire et de torture. Parmi les manifestants arrêtés, beaucoup sont envoyés dans les camps d'internement en Algérie et en France par mesure administrative.» A. R.