De notre envoyé spécial en Libye Nasser Hannachi Syrte est une ville humide et chaude par son golfe incrusté dans la Méditerranée. Elle est aussi un espace «chaud» diplomatique offert par le colonel El Kadhafi aux Arabes et Aux africains afin d'y exposer leurs préoccupations. «Africains et Arabes dans un seul espace», slogan accroché aux piquets dans les ruelles et placardé sur les façades des halls des salles de conférences, illustre l'intérêt que porte le pays hôte à la future alliance du moins clarifiée par un partenariat stratégique gagnant-gagnant. «C'est la ville natale de notre frère et guide de la révolution libyenne. Le bon voisinage débute dans cette partie de la Méditerranée. Le leader a voulu la dédier à ses frères arabes et africains», témoigne un chauffeur recruté pour le besoin du second congrès afro-arabe. L'aménagement territorial explose dans cette région. Plusieurs résidences sont en cours de réalisation. Syrte dispose aussi d'une université et une autre faculté serait fin prête d'ici deux années, a-t-on appris. Malgré la densité de la population, le développement local bat son plein. Soit une stratégie qui vise, selon des témoignages, à pousser les citoyens des circonscriptions populeuses à rallier cette bande méditerranéenne où il fait bon vivre. «Il y a trois années, tous ces building n'y étaient pas», explique notre humble guide qui profitait d'une halte nocturne pour nous emmener dans les zones ceinturant cette médina politique. «Housn ediafa» (hospitalité) constitue un aspect primordial pour le président libyen et son peuple. «Toutes les infrastructures de haut standing seront mises à la disposition des chefs d'Etat et souverains arabes», explique notre chauffeur, indiquant que les résidents bénéficient cependant de toutes les commodités pour demeurer en cette cité. Un équilibre mis en relief pour impressionner les étrangers sur ce que El Kadhafi accorde à ses compatriotes. Malgré l'essor des structures d'accueil, la ville cherche désespérément des touristes. Paradoxal sort des hôtels qui, une fois les sommets clôturés, sombrent dans la solitude, de même que l'aéroport. A ce titre, quelques cadres libyens ne cachent pas cette réalité en réaffirmant l'engagement des pouvoirs publics à booster ce secteur dans cette ville pour la rendre du moins aussi attrayante que Tripoli. Beaucoup plus par fidélité et sympathie aux origines géographiques du leader de la révolution, Syrte serait en passe de revoir sa démographie à la hausse à la faveur des chantiers qui y sont engagés et dont les marchés reviennent beaucoup plus aux firmes turques investies dans le secteur du bâtiment. Syrte s'adonne à une vie nocturne, mais le peu de population qui y vit la pénalise. Les militaires, un guet sur l'azur, prédominent le décor et enlèvent à cette cité une partie de son émancipation touristique la laissant sans la chaleur du brouhaha humain. Le semi-golf respire la solitude… Le frère, caïd par-dessus tout, pour un grand Maghreb Point de débat que ce soit en cercle officiel ou en milieu ordinaire sans prononcer le nom du guide de la révolution. Vénéré, «système» oblige, le leader de la révolution est sur les lèvres de toute la population de Syrte. Les libyens, trop attachés au profil, voire à l'ombre de leur dirigeant, trouvent à chaque discussion une entrée «glorieuse» pour faire valoir ses vertus, car, sans lui, cette révolution ne donnerait pas un autre visage à cette Afrique mal en point dans diverses épreuves politiques, économiques et sociales. «Que Dieu préserve notre guide pour qu'il réalise son désir, à savoir réunir la nation arabe et notamment le Grand Maghreb», dira un citoyen. La reconnaissance à El Kadhafi est aussi justifiée par un don du Ciel - les résidents préfèrent faire l'impasse sur ce sujet - accordé aux Libyens à la faveur de la rente annuelle octroyée aux citoyens selon des critères imposés. «Comme chez vous en Algérie, d'ailleurs, c'est un exemple pour nous, les Libyens sont énormément attachés à leur patrie», dira un commerçant. Les Libyens croient dur comme fer à l'idée d'édifier un Grand Maghreb uni. En marge du second sommet afro-arabe et de celui de la Ligue des Etats arabes qu'a abrités la ville de Syrte, en filigrane, on a noté cette volonté chez le pays hôte de concrétiser ce vœu cher au caïd : édifier une alliance arabe maghrébine solide. Malgré de multiples mutations économiques et politiques variables dans un espace instable en raison, du moins, des divergences, apparentes, à l'image du gel de l'autodétermination du peuple sahraoui, tache d'huile dans le processus, renvoyant l'unité maghrébine aux calendes grecques. «Nos frères algériens» ne cessent de solliciter les officiels libyens. Une gratification fortement confortée lorsque le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, traversera le tapis rouge avant de rejoindre la grande salle de conférences. Le penchant pour la diplomatie algérienne est manifestement exprimé… renvoyant son pesant indéniable dans la construction du puzzle arabo-africain. Palais des congrès Ouagadougou au service des nations africaines et arabes S'étalant sur une grande superficie, les salles de conférences «Ouagadougou», une reconnaissance pour l'Afrique, offrent toutes les commodités pour réussir un tel événement, que ce soit pour les politiques que pour les journalistes et même les services extra officiels. À une journée de l'ouverture du second sommet afro-arabe, peu de rigueur régnait à l'intérieur de ce palais où les journalistes accrédités arpentaient sans retenue tous les espaces et surtout leur lieu de prédilection : le centre de presse. Un tempo libre qui sera toutefois plus restreint au lendemain lorsque le ton du sommet est donné par les chefs d'Etat. Une inspection minutieuse de toutes les délégations étant enclenchée par les services libyens qui fouillent sans limite… pour déjouer une éventuelle mauvaise intention. «C'est le nouveau centre de presse», nous dit un agent dépêché pour assister les journalistes. A quelques encablures, un autre espace du genre est implanté dans les salles. Toutefois, les Egyptiens l'on accaparé au deuxième jour de la réunion de la Ligue arabe. Il n'empêche que la presse algérienne s'y est appropriée des sièges au coude à coude. «Maghrébin ?», lance spontanément une journaliste irakienne ? «Algérien», répond un confrère. Les journalistes égyptiens n'ont pas hésité à échanger quelques «salutations» avec leurs homologues algériens mais sur les séquelles de la crise footballistique… «Bonjour, êtes-vous algériens ?», dira un confrère du Caire qui, d'emblée, formulera le souhait de ne pas s'exprimer sur le sport roi. Les Africains sont également venus en force pour faire retentir le message de leur dirigeant sur les alliances arabo-africaines. De l'anecdote footballistique… Les Libyens demeurent les pieds sur terre quand ils évoquent le sport roi. Ils s'identifient beaucoup plus à notre onze national dont le parcours en Coupe d'Afrique et en Coupe du monde est évoqué. «C'était un grand honneur pour la nation africaine de voir les Algériens taquiner les Britishs et les Américains en Afrique du Sud», reconnaissent les mordus du football à syrte. Evoquant le parcours des Egyptiens, un chauffeur de taxi, qui a pris soin de nous faire visiter les réalisations du guide sur un ton ironique, lâche : «Vous savez, les Egyptiens, quand ils échouent, renvoient la défaite à toute la nation arabe. Mais s'ils gagnent, leur victoire est dédiée uniquement aux Pharaons.» La Libye, engagée dans les phases éliminatoires de la Coupe d'Afrique prévue en 2012, espère une qualification, mais tout le monde s'accorde à dire que l'équipe est en restructuration et renferme peu de professionnels à l'exception d'un seul joueur évoluant à l'extérieur. En somme, sympathie pour le foot et aussi pour le profil des Algériens, les libyens croient aux relations algéro-libyennes et témoignent leur reconnaissance envers Bouteflika qui, selon eux, reste «un politique» incontournable sur le continent.