Photo : Riad Par Amar Rafa La réforme de la justice qui entame sa dixième année, en tant que chantier prioritaire du président de la République, a connu des avancées notables, que personne ne peut nier aujourd'hui, à différentes étapes de son exécution. Cette réforme, dont le processus a été initié avec l'installation par le président de la Commission nationale de réforme de la justice, a donné lieu à une démarche progressive, fondée sur l'initiation d'une batterie de mesures d'urgence et la programmation d'une série de projets à plus ou moins longue échéance. Elle a été menée sur plusieurs volets, notamment ceux de la réforme du dispositif législatif, en vue de son adaptation aux normes internationales, conformément aux engagements conventionnels du pays, la valorisation des ressources humaines et la modernisation de la justice et la réforme pénitentiaire. Les grands objectifs poursuivis à cet effet étaient de garantir l'indépendance de la justice à travers la responsabilisation du juge d'une part et sa subordination exclusive à la loi, et de rendre la justice plus accessible par l'assouplissement des procédures judiciaires et par un meilleur redéploiement du réseau juridictionnel, de manière à garantir aux citoyens un accès égal à la justice et d'assurer une justice performante et crédible permettant une plus grande célérité dans le règlement des contentieux et une meilleure qualité des décisions rendues. Il s'agit également de concilier l'efficacité de la justice avec le respect des droits de l'Homme. Deux objectifs qui doivent guider l'action de la justice de manière à protéger les intérêts de la société et les droits fondamentaux des particuliers.Quel bilan peut-on faire aujourd'hui de la mise en exécution de cette réforme du secteur de la justice ? Quelques données, d'abord. A relever que la révision du système législatif national a vu la promulgation de 159 textes, dont 41 textes à caractère législatif, 13 décrets présidentiels et 58 décrets exécutifs depuis le début de la réforme. Ainsi, le code de procédure pénale modifié a vu l'introduction de nombre de dispositions dans le sens du renforcement du principe de la présomption d'innocence, le contrôle de l'opportunité de garde à vue par le procureur de la République, la limitation du recours à la garde à vue, entre autres. Le code de procédure civile et administrative révisé, quant à lui, a visé le renforcement du contrôle judiciaire sur les actes de l'administration.D'autres volets de la réforme de la justice ont porté également sur la création des pôles judiciaires spécialisés à compétence territoriale étendue dans le cadre de la lutte contre la criminalité.La modernisation de la justice a été organisée d'abord autour d'actions concourant directement à l'amélioration des prestations de service public notamment, le casier judiciaire, le dossier judiciaire et communication, lesquels dit-on, bénéficient de la plus haute priorité.Parmi les objectifs réalisés, l'on note la conception d'un site Web mis en place depuis fin novembre 2003, L'intranet fonctionnel depuis 2006, la réalisation d'un portail du droit et la mise en place d'un centre national du casier judiciaire. Ce dernier a été créé pour concrétiser simultanément plusieurs objectifs d'abord, à l'égard du citoyen auquel il facilite les démarches en lui offrant la possibilité de demander et de retirer, en quelques heures, son extrait du casier judiciaire en tout point du territoire national. Au volet de la réforme pénitentiaire, qui s'est fixée pour objectif l'humanisation des conditions de détention, elle a la réalisation de nouveaux établissements pénitentiaires, devant assurer la formation de la population carcérale. Cette action est renforcée par la création des services extérieurs de l'administration pénitentiaire chargée de la réinsertion sociale des détenus dont la première structure a été inaugurée dans la wilaya de Blida. La réforme pénitentiaire a prévu la construction de 81 prisons d'une capacité d'accueil de 50 000 places, dont 13 d'une capacité d'accueil de 1 900 places sont en cours de construction.Au volet de la formation des ressources humaines, près de 2 000 magistrats ont été formés entre 1999 et fin 2010, portant le nombre de magistrats à près de 4 000. Le Président avait donné instruction pour le recrutement de 470 élèves magistrats pendant toutes les années du programme quinquennal 2010-2014.En guise de bilan de la réforme de la justice, relevons cet avis des experts selon lesquels les étapes franchies depuis 1999 ont permis d'améliorer la performance de l'action judiciaire et l'application des décisions de justice, l'accroissement du volume de l'action judiciaire et une plus grande compétence dans le traitement des affaires liées aux nouvelles formes de criminalité.Le premier magistrat du pays, lors de son discours à l'ouverture de l'année judiciaire 2009-2010, où il a souligné «l'attention particulière» qu'il accorde à cette réforme «prioritaire», a salué les résultats réalisés à travers les différentes étapes de l'exécution du programme de réforme. Il avait cité comme exemples l'accroissement des effectifs des ressources humaines, l'amélioration des conditions d'accueil des justiciables et de travail des magistrats, des auxiliaires et des agents de justice. Il avait, en outre, évoqué les mesures prises pour l'ensemble des services de l'institution judiciaire, à savoir les méthodes et procédés modernes introduits et le renforcement des moyens matériels, y compris l'introduction des technologies de l'information et de la communication (TIC), soulignant que «la démarche, dans son ensemble, a eu un écho favorable auprès des citoyennes et des citoyens».Cependant, il a appelé à la révision des méthodes de travail de certaines juridictions, à leur tête, la Cour suprême et le Conseil de l'Etat afin de leur faciliter la prise en charge du nombre sans cesse croissant des recours qui y sont introduits. S'agissant également du tribunal criminel, le chef de l'Etat avait souligné l'impératif de «revoir son organisation afin de garantir les droits des citoyens qui y comparaissent en les informant d'autres modes de recours à l'instar de ce qui est en vigueur au niveau des autres tribunaux». Dans le même contexte, il a préconisé l'élargissement des alternatives du procès judiciaire, notamment en ce qui concerne la réconciliation et la médiation, pour englober les petits délits dans le domaine du pénal. Pour le ministre de la Justice, la mise en œuvre du programme de la réforme de la justice a permis le développement de la justice, orientée en priorité vers une meilleure satisfaction de la demande du citoyen et en particulier celle du justiciable dans ses relations avec les différentes institutions judiciaires. L'introduction des nouvelles technologies de l'information et de la communication a permis une amélioration sensible des prestations de services publics et la satisfaction des besoins des citoyens, grâce à la mise en place de systèmes de gestion et de suivi automatisés du dossier judiciaire et de la population carcérale.Dans le prolongement de ces réalisations, le secteur de la justice s'attellera, à la faveur du programme quinquennal 2010-2014, à la poursuite de l'enrichissement et de la révision du dispositif législatif portant, notamment, sur l'amendement de plusieurs textes de loi, le renforcement des professions d'auxiliaires de justice, l'organisation de la Cour suprême et du Conseil d'Etat, le lancement d'une première opération de codification des dispositions pénales prévues dans les textes spéciaux, ainsi que l'élaboration de textes réglementaires relatifs au découpage judiciaire et aux tribunaux administratifs. D'autres textes juridiques seront élaborés relatifs aux nouvelles technologies de l'information et de la communication, au commerce électronique et à l'empreinte génétique.Ce constat n'est hélas pas partagé par tout le monde, notamment, magistrats, avocats et justiciables. A la justice actuelle, il y en a qui lui reprochent de faire étalage du nombre aux dépens de la qualité des jugements, du bafouage des droits de la défense. L'on se rappelle dans ce cadre du réquisitoire du bâtonnier Sellini, qui, il n'y a pas si longtemps, tout en reconnaissant au Président une volonté réelle et une conviction profonde de réussir ce chantier, a affirmé que «notre justice n'est pas indépendante, les juges du fond ne sont pas libres, les magistrats ne sont pas indépendants, le ministère public décide...».