Photo : Riad De notre correspondant à Béjaïa Kamel Amghar La socialisation du livre, voilà un engagement solennel qui revient à chaque édition du Sila (Salon international du livre d'Alger). Les pouvoirs publics, les éditeurs, les auteurs et les critiques saisissent invariablement cette occasion pour plaider la cause de la lecture et promettre des efforts dans ce sens. S'il est vrai que la lecture est d'une importance capitale de santé publique, les moyens mis en œuvre et l'encadrement mobilisé ne sont pas encore à la hauteur des attentes exprimées. Indubitablement, l'école, l'université et le réseau national des bibliothèques municipales ont encore beaucoup de pain sur la planche pour intéresser le lectorat. Pour prendre l'exemple de la wilaya de Béjaïa, toutes les communes, ou presque, disposent d'une bibliothèque communale ouverte au grand public. Le projet lancé sur la base du Fonds commun des collectivités locales (FCCL) bénéficie aussi de l'appui du ministère de la Culture qui se charge de la dotation des structures en ouvrages. L'initiative est louable. Mais la dotation régulière de ces établissements en ouvrages récents n'est pas souvent garantie. Gérés par des fonctionnaires sans réelle connaissance dans le domaine, ces espaces ne créent pas d'événements périodiques pour vulgariser leurs activités et fidéliser leurs abonnés. Illustration : la bibliothèque municipale de la ville de Béjaïa renferme un important fonds documentaire de 53 163 ouvrages. Cependant, elle ne totalise que 462 lecteurs sur une population de 150 195 âmes. Des ventes-dédicaces, des journées thématiques, des rencontres avec des spécialistes ou de petits concours destinés à la jeunesse sont autant d'initiatives susceptibles d'élargir le cercle des amateurs des belles lettres et des lecteurs de manière générale. Construire des bibliothèques est incontestablement une très bonne chose. Les animer pour rassembler les gens autour d'elles, c'est encore mieux. Dans les programmes scolaires, la lecture n'a plus la place qu'elle avait autrefois. La lecture suivie et dirigée et les extraits des grands classiques ne sont plus enseignés dans les salles de cours. Le jargon scientifique a sérieusement pris le pas sur l'esthétique et la beauté littéraires. Les parents, de leur côté, invoquent souvent la cherté du livre destiné aux enfants et sa rareté sur le marché. Les libraires évoquent presque les mêmes arguments pour se justifier. : Le coût excessif du livre (absence de subventions), les difficultés d'approvisionnement (un réseau de diffusion archaïque) et les charges sociales et fiscales sont les trois points qui reviennent comme un leitmotiv dans la bouche des concernés. En ce qui concerne le jeune lectorat, il y a aussi un problème de production. Les faiseurs de livres boudent, ouvertement, le texte destiné à l'enfant. Le conte, la BD, le roman d'aventure et les manuels de dessins sont considérés comme des publications mineures qui ne méritent pas l'intérêt de nos «grandes» maisons d'édition. On préfère plutôt travailler pour les adultes qui ne sont pas nécessairement de bons lecteurs. Les témoignages historiques, le roman politique et l'essai sont les styles prédominants, même s'il y a un lectorat «jeune» potentiel qui ne trouve pas d'œuvres authentiquement algériennes à lire. Voilà, en somme, où en sont les choses aujourd'hui.