«Les jeunes ne lisent pas.» Cette assertion revient souvent dans la bouche des responsables de la culture, des directeurs de bibliothèque, des libraires et autres professionnels du livre. C'est une réalité. Il est rare, pour ne pas dire impossible, de voir un jeune feuilletant un bouquin dans un bus, un café, sur un banc public… Interrogés, de nombreux étudiants reconnaissent qu'ils ne lisent pas de livres, si ce n'est ceux concernant leurs études. Le livre de chevet a disparu, comme le rat de bibliothèque ou le bouquin d'été. Certes, les jeunes ne lisent pas, mais pourquoi donc et à qui la faute ? La réponse à la première question est évidente : on ne leur a pas inculqué le besoin ni l'envie de lire. Quant aux coupables, c'est aussi bien les parents qui ne poussent pas leurs enfants à lire, que le système éducatif d'où la lecture est exclue, et la politique du livre.Pourtant, l'Etat a réalisé de nombreuses bibliothèques et salles de lecture dans le cadre du projet «une bibliothèque par commune» et multiplie les efforts pour rendre le livre disponible et, surtout, à la portée de tous. Aurait-on donc, encore une fois, mis la charrue avant les bœufs ? Assurément, puisque les bibliothèques déjà existantes sont désertées et les librairies ne subsistent que grâce aux livres parascolaires.Ce constat a été fait plus d'une fois sans que rien ait changé dans la démarche des autorités publiques. Mais il semble bien que les responsables ont fini par se rendre à l'évidence et décidé de corriger le tir. La ministre de la Culture, Khalida Toumi, a d'ailleurs tenu une conférence de presse au 15ème Salon international du livre d'Alger - le choix du moment et de l'endroit n'est évidemment pas fortuit - pour présenter la politique du livre revue et corrigée. Et dès l'abord, elle reconnaîtra les déficiences en déclarant que le domaine du livre et de la lecture publique «accusait un grand retard aux plans institutionnel, organisationnel, juridique et infrastructurel». La nouvelle politique du livre est justement venue pour rattraper ce retard. En plus de la réalisation de 448 bibliothèques de lecture publique répondant aux normes de l'Unesco, le ministère de la Culture a créé un fonds national de développement et de promotion des arts et des lettres qui sera alimenté par l'Etat et, à partir de 2011, par une taxe représentant 0,5% du chiffre d'affaires sur la téléphonie mobile.Il est vrai que les bibliothèques telles qu'elles sont actuellement construites, équipées et gérées ne peuvent attirer les lecteurs, surtout les jeunes qui sont «branchés» futur, avec les produits «high technology». Aujourd'hui, les jeunes parlent et communiquent en Wifi, smartphone, notebook, laptop et ordinateurs portables. Ils ne sont donc à l'aise que dans des espaces adaptés à leur «monde». Ainsi, les responsables de la culture devraient intégrer cette donne dans leur conception des futures bibliothèques. Ils peuvent d'ailleurs s'inspirer de ce qui se fait dans le monde et même chez nos voisins maghrébins, où les bibliothèques sont dotées des technologies numériques qui, déjà, sont menacées de désertion. Car la bibliothèque du futur est désormais là. C'est l'ère du tout-numérique, du livre virtuel, des bibliothèques gratuites consultables sur Internet ou sur un réseau intranet performant au sein des bibliothèques. En Occident, une majorité de bibliothèques sont numérisées, car c'est le seul moyen de rétablir le contact avec la génération high-tech pour la ramener vers le concret, le tangible, le livre sur papier. A quelque chose malheur est bon. La fracture numérique et les retards qu'accuse l'Algérie, à l'instar des autres pays du Sud, peuvent jouer en faveur du livre si l'on accélère le mouvement pour sa promotion et sa socialisation. Le premier pas est fait avec cette nouvelle politique du livre qui prévoit également la création d'un centre national du livre. «Nous sommes en plein chantier de négociations pour l'élaboration de l'arrêté interministériel qui classera le centre national du livre», dont la mission principale sera de soutenir l'ensemble de la chaîne du livre, dira à ce propos la ministre. Et pour boucler la boucle, Mme Toumi annoncera que le ministère de l'Eduction sera aussi impliqué dans la promotion du livre à travers l'inscription dans les programmes d'enseignement de la lecture d'au moins quatre ouvrages par année scolaire.Mais une politique n'est bonne que par ce qu'elle apportera concrètement. Et un responsable n'est bon que par sa capacité d'être autocritique et/ou de recevoir les critiques qui lui permettront de corriger ses erreurs. Manifestement, la ministre de la Culture est disposée à jouer le jeu. Elle a clairement signifié que le ministère de la Culture reste ouvert à toutes les remarques qui pourraient être faites, qu'elles soient positives ou négatives. C'est un deuxième pas vers une véritable prise en charge de la culture en Algérie. Il appartient aux autres secteurs, qui sont également concernés d'apporter leur pierre à l'édifice. H. G