Photo : Riad De notre correspondant à Constantine Nasser Hannachi As-tu un bouquin pour l'été ? C'est une question qui ne revient pas sur toutes les lèvres. Cela fait belle lurette qu'on n'a pas côtoyé la frange passionnée du livre d'été ! Elle existe certainement. Toutefois, son spectre s'est réduit comme peau de chagrin. Cherté des ouvrages intéressants, manque de temps pour les dévorer, en raison du rythme endiablé de la vie moderne… sont autant d'alibis avancés par les personnes qui se donnaient par le passé au plaisir des phrases durant cette saison. En tout cas, cet avis n'est pas partagé par tous les lecteurs. Certaines personnes «vaccinées» en belles lettres ne cèdent devant rien et continuent à bourrer leur sac de voyage de romans… D'autre part, la froideur pour la lecture dégagée au long au l'année par les promoteurs de la culture, dont les directions de wilaya, le comité municipal, les bibliothécaires … ne fait que propager l'indifférence à d'autres saisons. La lecture d'été semble avoir pris le large avec l'extinction des anciens bouquinistes qui donnaient par le passé un goût à la consultation d'ouvrages, notamment en saison estivale. A commencer par les fameuses bandes dessinées louées aux jeunes comme aux adultes. Tout le monde trouvait son bonheur dans ces recueils de détente. Finie cette période qui a été tout simplement surclassée par les technologies multimédias, dont le détenteur du haut du pavé, l'Internet. De fait, la Toile étendue aux cybercafés, au travail et également aux domiciles a révolutionné en grande partie la hiérarchie dans l'apprentissage et, par ricochet, généré une nonchalance pour se procurer un livre sans frais, par exemple, dans une bibliothèque. En librairies, il est rare de voir un défilé incessant de personnes. Si le cas s'y prête, ce sont, souvent, des parents qui songent d'ores et déjà à alimenter leur bambin en manuels scolaires en prévision de la prochaine rentrée des classes. Les programmes les inquiète. Cela dit, il serait aléatoire de confirmer l'existence d'un lectorat d'été assez important. Pour fuir cette vérité, on évoque, souvent, la cherté des romans. Une situation qui met les librairies de la cité millénaire presque en jachère en cette période. Ce qui les démotive -en évoquant ici les professionnels du livre, pas ceux du bradage- à appliquer des formules spéciales été pour appâter les lecteurs et rentabiliser leur commerce. En ce qui concerne les autres, peu créatives, ce sont les pancartes frappées de la mention «fermée pour congé annuel» qui illustre leur devanture. C'est en quelque sorte l'aridité dans laquelle se démène une librairie située particulièrement en province, cherchant désespérément un lecteur en ces temps de chaleur. Cependant, on se rappelle, ces dernières années, la mise en place d'une formule inédite initiée par une grande librairie locale intitulée «l'été en poche». Le but, selon son initiateur, était de promouvoir la lecture d'été en apportant quelques ristournes sur les ouvrages proposés. L'option ne durera pas malheureusement pour moult facteurs, dont l'organisation anarchique d'expositions-ventes, de surcroît appuyées par les responsables culturels locaux. Soit, l'une des causes principales ayant découragé cette librairie de perpétuer cette tradition livresque qui, faudra-t-il le souligner, avait attiré autant d'initiés et de curieux. Sous un autre angle, la ville semble en avoir fini avec son sort de «cité lectrice» dès lors que ce sont les passagers qui sont en passe de détrôner les Constantinois en matière d'approvisionnement en livres, dixit un éditeur professionnel. Par ailleurs, il importe de distinguer une autre catégorie de lecteurs lors de la saison chaude. A ce titre, évoquons le lectorat immigré qui sillonne les librairies. Ces lecteurs recherchent souvent des recueils d'histoire payés à moitié prix qu'en France en raison de leur réédition, ou encore des livres religieux écrits en langue française, sans omettre les fameuses recettes gastronomiques du bled. A vrai dire, la lecture par passion a connu un net recul si l'on prend en compte les sondages recueillis auprès des librairies connues à Constantine. Pourtant, l'ouverture du marché extérieur à l'importation offre une large gamme de produits étalés à côté de quelques créations nationales somme toute intéressantes. C'est du ressort des artisans locaux de booster cette tradition qui ne serait pas propre à l'Algérie mais un phénomène mondial. On serait prétentieux de dire que la lecture d'été existe. Rares sont les personnes qui gardent ce réflexe d'antan et tentent vaille que vaille de le transmettre aux jeunes. Du moins, des exemples simples mais éloquents reflètent une partie de cette vérité pour le moins facultative. Ni au bord de la mer ni dans les bus, on ne voit des livres qui dominent. Les tabloïdes sont le plus souvent étalés. On quête le moindre détail d'un article qui pourrait annoncer la bonne nouvelle ! Celle de l'amélioration du cadre de vie du citoyen. C'est un autre débat sur la «dévotion» pour la lecture dans son sens approfondi. Pour l'heure, c'est la lecture «du besoin», souvent de la «frime», et du scoop qui accaparent le devant de la scène livresque d'été.