Encore une occasion, pour les commerçants, les maquignons et autres négociants de puiser démesurément dans l'escarcelle des ménages. Une escarcelle sollicitée à outrance tant les circonstances ne manquent pas de rogner dans le maigre budget familial. L'Aïd El Adha, la fête du sacrifice, prend son sens - au premier degré, bien entendu - chez les familles qui se livrent pieds et poings liés au diktat des marchands de tous bords. Un sacrifice qui signifie dans beaucoup de foyers des dépenses exorbitantes, quitte à s'endetter, et une résignation totale, avec en prime la certitude de lendemains difficiles et de dettes à rembourser. Les prix «déchaînés» du mouton de l'Aïd, en hausse chaque année, n'ont pas l'air de décourager les pères de famille qui, en vérité, cèdent la mort dans l'âme à la volonté de leur progéniture et à «l'obligation» de faire comme les autres. Combien sont-ils à se faire hara-kiri en déboursant l'équivalent de près de deux mois de salaire juste pour exhiber un biquet cornu et bien enveloppé (de laine). S'ils s'en plaignent, ils n'en mettent pas moins le paquet, plus pour se soumettre à une obligation imposée par les leurs que pour satisfaire à la tradition. Car il n'est pas dit qu'il faut se saigner pour cela, le sacrifice est fonction des moyens financiers. Les mentalités et les habitudes ancrées dans la société sont telles que les commerçants voient en cette fête religieuse - qui succède au Ramadhan, à l'Aïd El Fitr et à la rentrée scolaire - une énième aubaine de faire fortune sur le dos du consommateur qui se laisse déplumer. Presque de bon cœur, pourrait-on dire, puisqu'il prête volontiers le flanc. Parallèlement à la flambée des prix du mouton qui s'invite en star dans des foyers harassés par les dépenses, les produits maraîchers ont déjà pris la courbe ascendante en raison de l'Aïd El Adha. Fruits et légumes, dont les prix ne baissent jamais après une augmentation, ont grimpé eux aussi pour ne pas faillir à une tradition qui veut que les produits que l'on estime incontournables à une occasion donnée subissent une hausse vertigineuse. La cupidité des commerçants et des maquignons n'a pas de limites, encouragée par l'inertie des pouvoirs publics et la mollesse de la réglementation. L'absence de contrôle a ouvert la porte à tous les dépassements et permet la spéculation, alors que la régulation des prix annoncée par l'ancien ministre du Commerce ne régule rien pour l'instant. A défaut de balises dans un pays qui a subi de plein fouet les effets du terrorisme, l'économie de marché prend les allures d'une économie de bazar qui ne réussit qu'aux spéculateurs de tous bords. Au détriment de l'économie nationale et au détriment des consommateurs. R. M.